BUFFON à Montbard, Paris et… Buffon.

Le jeudi 18 mars 2004.
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Vue extérieure des Forges de Buffon.
Les ouvrages bien écrits sont les seuls qui passeront à la postérité : la quantité des connaissances, la singularité des faits, la nouveauté même des faits ne sont pas des sûrs garants de l’immortalité ; si les ouvrages qui les contiennent ne roulent que sur de petits objets, s’ils sont écrits sans goût, sans noblesse et sans génie, ils périront, parce que les connaissances, les faits et les découvertes s’enlèvent aisément, se transportent et gagnent même à être mis en oeuvre par des mains plus habiles. […] Le style ne peut ni s’enlever, ni se transporter ni s’altérer… Toutes les beautés intellectuelles qui s’y trouvent […] sont autant de vérités aussi utiles et peut-être plus précieuses pour l’esprit humain, que celles qui peuvent faire le fond du sujet."
Discours de réception à l’Académie Francaise, 1753.
"C’est la plus belle plume de ce siècle."
Jean-Jacques Rousseau.

Par un raisonnement tout scientifique - c’est sa partie -, Georges-Louis Leclerc, plus connu sous le nom de comte de Buffon, invite ainsi tous ses collègues à soigner leur style.

Il est un des grands (1,80 mètre) écrivains du siècle des Lumières, et aussi un des plus lus et appréciés de son temps. Sa renommée égale celle de Voltaire. Si son souvenir a moins bien traversé les siècles jusqu’à nous, c’est peut-être parce que Buffon, noble académicien, a pris soin de ne pas s’engager politiquement à une époque où les philosophes flirtaient avec la censure royale, et de masquer ses propos scientifiques novateurs derrière un style rassurant.

- Il naît à Montbard en 1707 dans une famille de grande bourgeoisie et de juristes. Son père, enrichi par un héritage, achète la terre et des droits seigneuriaux à Buffon, près de Montbard et une charge de conseiller au Parlement de Bourgogne, qui l’anoblit par la même occasion.
- Il occupe entre 1717 et 1742 le bel hôtel du 24 rue Buffon à Dijon. Entre 1720 et 1726, il fait ses études secondaires au collège de jésuites, puis étudie le droit à l’Université de Dijon, et la médecine, la botanique et les mathématiques à Angers.
- Il s’installe au faubourg Saint-Germain à Paris en 1732 chez Boulduc, premier apothicaire du roi et démonstrateur de chimie au Jardin du roi (devenu depuis le Jardin des plantes), et se lie à Maurepas, ministre de Louis XV.
- En 1733, il entre à l’Académie des sciences comme "adjoint-mécanicien". La même année, il hérite de la maison familiale de Montbard, l’Hôtel de Buffon. Aujourd’hui en demeurent seulement deux tours (la tour Saint-Louis et celle de l’Aubespin). Buffon a remplacé le château médiéval familial par un jardin en terrasses qui descend jusqu’au seuil de son domicile, actuel musée Buffon.
Son intérêt se porte d’abord sur des questions de mathématiques et de physique.
Nommé Intendant du Jardin du roi [1] en 1739 (quelques semaines après avoir été élu adjoint-botaniste à l’Académie des Sciences, succédant à Bernard de Jussieu), il va doubler la superficie du jardin et en enrichir sans cesse les collections, souvent à ses propres frais, tout en travaillant à son Histoire naturelle et en passant huit mois par an à Montbard. Il connait la gloire dès la parution des premiers volumes à partir de 1749 [2]. Ceux-ci sont réimprimés trois fois à la suite, et une édition "en jupe courte" (ancêtre du livre de poche !) en est publiée. Trente-trois tomes suivront jusqu’en 1788, au lendemain de sa mort. Daubenton y collabore jusqu’en 1767. Leur objectif est celui des Encyclopédistes : vulgariser la connaissance. Son Histoire naturelle fait de l’évolution humaine, animale, végétale et minérale une véritable histoire contée, alors qu’elle n’était jusqu’alors qu’une triste nomenclature de scientifiques. Adversaire des classifications (il estime les êtres vivants trop complexes pour être classés selon un seul caractère), Buffon s’oppose à l’oeuvre du suédois Linné et remet ainsi en question le dogme de la fixité des espèces, ouvrant la voie aux théories évolutionnistes de Lamarck (qui travaille avec Buffon à partir de 1779) puis de Darwin.
Après 1788, Lacépède poursuit la rédaction de l’Histoire naturelle, avec treize volumes consacrés aux cétacés, aux reptiles et aux poissons. Malgré ces dizaines d’années de labeurs multiples, le projet éditorial initial de Buffon restera inachevé.
- en 1767, Buffon crée l’établissement des Forges à Buffon.
- Les deux grandes allées d’arbres du Jardin des plantes sont son oeuvre. Entre 1766 et 1772, il demeure dans l’hôtel Le Brun, 49 rue du Cardinal-Lemoine, puis 36 rue Geoffroy-Saint-Hilaire ensuite, où il décède en 1788 (il habitait aussi, parfois, la maison des 27-29 rue Buffon).
Lamarck, également précepteur du fils de Buffon, habite la maison du n°36 de 1795 à sa mort en 1829.
Bernardin de Saint-Pierre sera en 1792, pour quelques mois seulement, le dernier intendant du "Jardin national des plantes", qui devient en juillet 1793 le "Muséum d’histoire naturelle", dirigé par Daubenton.
Au 57 rue Cuvier se trouve l’hôtel de Magny, annexé au Jardin des plantes en 1786 par Buffon. Lacépède, Daubenton et Fourcroy (autre collaborateur de Buffon) y habitent, de même qu’André Thouin, nommé jardinier en chef à 17 ans, homme de confiance de Buffon.

A visiter
Le Jardin des plantes à Paris, bien sûr, en compagnie du petit guide du Promeneur des Lettres cité ci-dessous.
Le Musée Buffon et le parc de Montbard, rue du Parc Buffon, 21500 Montbard ; tél. 03 80 92 50 42 ; ouvert toute l’année.
Les Forges de Buffon. La Grande Forge, 21500 Buffon ; tél. 03 80 89 40 30.

Petite bibliographie
L’Encyclopédie, une oeuvre de progrès. Le Monde, Dossiers et documents n°42, janvier 2004.
Les écrivains du Jardin des plantes. Promenade littéraire autour du Jardin des plantes. Le Promeneur des lettres (tél. 01 40 50 30 95).
La France des écrivains. Guides Gallimard, 1997.

[1] Créé en 1635, sous Louis XIII.

[2] Il est d’ailleurs impressionnant de noter que fin 1748, Montesquieu publie L’Esprit des lois, et qu’en 1749 sont lancés les grands travaux de L’Encyclopédie - que Buffon autorise à reproduire des extraits de ses mémoires à l’Académie des Sciences - et de l’Histoire naturelle.



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