Ernest HEMINGWAY à Paris

Le mardi 19 août 2003.

"Et pouvez-vous sonder la profondeur de grotesque à laquelle sombre un Hemingway -le plus grand romancier américain vivant- lorsqu'il parle de ses livres comme d'un moyen de "défendre son titre de champion" ? [...]
[La plaisanterie] est révélatrice : elle trahit cette conviction profonde que la littérature serait affaire de compétition, tout comme un championnat de boxe professionnelle."
Arthur Koestler en 1950.

"[...] Toute sa vie il a lutté contre sa lâcheté et la tentation du suicide, [...] son paysage intérieur était un cauchemar et [...] ses nuits se passaient à combattre ses démons."
Norman Mailer.

"C'est parfait d'être en marge quand on est écrivain. Ce n'est pas bon de se mettre trop au centre de son œuvre. Hemingway s'est détruit parce qu'il avait créé un monstre qui l'a dépassé. Son ego était en contradiction avec sa personne privée. Norman Mailer a fait la même chose et il s'est détruit aussi. Mieux vaut consacrer son énergie à son travail."
Jim Harrison dans Le point, 13 juin 2003.

"L'écriture d'un roman doit tuer le romancier. S'il en reste quoi que ce soit, c'est qu'il n'a pas travaillé assez."
E. H.

De ses jeunes années jusqu’à son suicide le 2 juillet 1961 (son père s’est lui-même suicidé en 1928), la littérature est pour Hemingway affaire de compétition littéraire (récompensée pour lui par le prix Pulitzer en 1953 et le Nobel en 1954) autant que puissant anti-dépresseur.

Quelques traits du personnage : il commence la pêche à trois ans, la chasse à dix et la boxe à douze ; il est des deux guerres mondiales ; comme notre Saint-Exupéry, il est aussi régulièrement couvert de pansements, survivant à divers accidents de voiture et d’avion ; l’écriture ? Il n’arrête d’écrire que quand il est sûr de savoir comment reprendre le lendemain ; il prétend avoir réécrit… trente-neuf fois la première page de L’adieu aux armes.C’est dans les années 20 qu’Hemingway, attiré par la liberté d’expression et le taux de change favorable, vient traîner ses guêtres à Paris. C’est là que, poussé par Gertrude Stein, il abandonne le journalisme pour la littérature et trouve son style. C’est là que son premier livre est publié en 1923 (et là qu’il vit le plus fort de ses idylles).

Suivons-le dans les rues de la capitale et ailleurs :

- Il découvre Paris fin mai 1918, à vingt ans.
Hadley et Ernest arrivent à Paris le 22 décembre 1921 et logent d’abord à l’hôtel Jacob et d’Angleterre, 44 rue Jacob. Leur restaurant favori est le Pré-aux-Clercs, 30 rue Bonaparte.
- Le 9 janvier 1922, les voilà -jusqu’à août 23- au 3ème étage du 74 rue du Cardinal Lemoine, presqu’en face de Valéry Larbaud qui vécut au 71 quelques années plus tôt (et de Joyce qui lui emprunta quelque temps cet appartement).
- Peu de temps après, pour écrire, Hemingway loue une chambre dans un hôtel de la rue Mouffetard. S’agit-il de l’immeuble du 39 rue Descartes, où Verlaine est mort en 1895 ? Hem aime le faire croire dans Paris est une fête, mais ce n’est pas si sûr, malgré la plaque qui orne le n°39…
- Il fréquente la librairie que Sylvia Beach a ouverte en 1919 8 rue Dupuytren (trop à l’étroit, elle emménage début 1922 12 rue de l’Odéon, en face de la Maison des amis du livre, la librairie déjà bien fréquentée d’Adrienne Monnier).
- Hem fréquente aussi, au 27 de la rue de Fleurus, l’appartement de Gertrude Stein, avec Pound, Fitzgerald et d’autres américains de la "génération perdue", comme elle les appelle.
- Ils se retrouvent aussi dans les cafés : le Select, le Dôme, les Deux Magots, la Closerie des lilas.
- Les Hemingway habitent en 1924 113 rue Notre-Dame-des-Champs, en haut d’un pavillon dans une cour. Ezra Pound habite alors au 70 bis et corrige les manuscrits d’Ernest en échange de leçons de boxe… C’est le seul écrivain proche d’Hemingway, avec Joyce, qui ne se fâchera jamais avec lui.
- Hem revient à Paris en 1927. Il vit - maintenant avec Pauline - 69, rue Froidevaux. - En 1929, les voilà 6 rue Férou, près de Saint-Sulpice.
- Lors de l’été 1929, Hemingway combat à la boxe le journaliste Morley Callaghan au Falstaff (le match est arbitré par Francis Scott Fitzgerald, qui s’arrange pour qu’Ernest prenne un maximum de coups…)
- Il est de nouveau à Paris à la fin de l’automne 33, début 34, en mai 37, pour la libération de la capitale en août 1944, pour un voyage en 1956 qui le mène aussi à Biarritz, Chartres,…
Toutes les occasions sont bonnes pour retrouver ses émotions littéraires et autres des années 20…
- Un autre de ses hôtels parisiens : l’hôtel du Mont-Blanc, 28 rue de la Huchette.

Autres demeures de l’auteur
L’été 1926, les Hemingway s’installent dans la villa Paquita à Juan-les-Pins, que les Fitzgerald viennent de libérer, puis à l’hôtel de la Pinède, avant de retrouver Paris.

Pour visiter le lieu
Les demeures parisiennes d’Hemingway sont visitables… de l’extérieur.

Sites à visiter :
La Hemingway Society.
La Ernest Hemingway Foundation of Oak Park,
- le site de l’émission d’Arte du 22/01/06 sur Hemingway.

À voir aux alentours
Le Paris d’Hemingway est celui de Montparnasse et Saint-Germain-des-Prés, donc celui de beaucoup de monde : (dans le désordre) Diderot, Apollinaire, Artaud, Baudelaire, Sartre, Duras, Fitzgerald, Desnos, Joyce, Sand, Hugo, Wilde, Cesbron, Rimbaud, Verlaine, Vian,…

Petite bibliographie
Ernest Hemingway en France, 1926-1994. Geneviève Hily-Mane. Presses universitaires de Reims, 1995.
Hemingway, the Paris years. Michael Reynolds. Editions W. W. Norton & Company.
Au Rendez-vous des génies. Écrivains américains à Paris dans les années vingt. Humphrey Carpenter, éditions Aubier, 1990.
Dossier Hemingway du Magazine littéraire n°377 de juin 1999.
Paris des écrivains. Sous la direction de Laure Murat. Éditions du Chêne.
La côte d’Azur des écrivains. Christian Arthaud, Eric L. Paul, Edisud, 1999.

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Le Dôme.


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