Les rues de La Bête humaine

Le lundi 11 septembre 2006.

« […] comme sujet, un drame à donner cauchemar à tout Paris. »
Zola, Ébauche de La Bête humaine.

La Bête humaine (1890) est un des derniers romans de la fresque des Rougon-Macquart, avant L’Argent (1891), La Débâcle (1892) et Le Docteur Pascal (1893).

Parcourons les rues de la capitale à la recherche des personnages et des péripéties du roman.

Le lieu parisien central est bien sûr la gare Saint-Lazare. « A onze heures quinze, l’heure précise, le poste du pont de l’Europe signala, des deux sons de trompe réglementaires, l’express du Havre, qui débouchait du tunnel des Batignolles ; et bientôt les plaques tournantes furent secouées, le train entra en gare avec un bref coup de sifflet, grinçant sur les freins, fumant, ruisselant, trempé par une pluie battante dont le déluge ne cessait pas depuis Rouen. » (chap. 5).

Dans les environs de la gare résident tous les personnages parisiens du roman.

Roubaud, sous-chef de la gare du Havre, habite impasse d’Amsterdam avec sa femme Séverine. « C’était impasse d’Amsterdam, dans la dernière maison de droite, une haute maison où la Compagnie de l’Ouest logeait certains de ses employés » (chap. 1).
Alors qu’elle se trouve désespérée sur le pont de l’Europe, Séverine « [les] regards [de Séverine] s’étant levés vers la gauche, elle reconnut, au-dessus de la cour des messageries, tout en haut de la maison de l’impasse d’Amsterdam, la fenêtre de la mère Victoire, cette fenêtre où elle se revoyait accoudée avec son mari, avant l’abominable scène qui avait causé leur malheur. » (chap. 5).

Découvrant trois ans après son mariage, grâce à une étourderie de Séverine, qu’elle a jadis été la maîtresse de M. Grandmorin [1], Roubaud décide de le tuer. Le meurtre est exécuté dans le train qui relie Paris au Havre, Roubaud forçant sa femme à être complice.
Jacques Lantier, mécanicien du train Paris-Le Havre (et fils de Gervaise Macquart, dont il a hérité un caractère névrosé et parfois violent), a tout vu mais ne révèle rien.

Lantier habite une petite chambre rue Cardinet, au coin de la rue de Saussure, « d’où l’on voyait le dépôt des Batignolles » (chap. 2).

L’enquête avançant, Séverine cherche un appui auprès de M. Camy-Lamotte, secrétaire général du ministère de la Justice, qui habite au coin de la rue du Rocher et de la rue de Naples près de l’hôtel Grandmorin.
Juste avant de lui rendre visite, « Elle descendit jusqu’à la place du Havre, se consulta un instant, décida enfin qu’elle ferait mieux de déjeuner tout de suite. Il était onze heures vingt-cinq, elle entra dans un bouillon, au coin de la rue Saint-Lazare, où elle commanda des oeufs sur le plat et une côtelette. Puis, tout en mangeant très lentement, elle retomba dans les réflexions qui la hantaient depuis des semaines, la face pâle et brouillée, n’ayant plus son docile sourire de séduction. » (chap. 5).
Quelques instants plus tard, elle aperçoit le juge Denizet qui se rend chez M. Camy-Lamotte, pour la confondre elle et son mari, pense-t-elle. Sur le pont de l’Europe, elle se laisse aller au désespoir. « Une terreur l’avait prise. Jamais elle n’oserait entrer, maintenant. Elle s’en retourna, enfila la rue d’Edimbourg, descendit jusqu’au pont de l’Europe. Là seulement, elle se crut à l’abri. Et, ne sachant plus où aller ni que faire, éperdue, elle se tint immobile contre une des balustrades, regardant au-dessous d’elle, à travers les charpentes métalliques, le vaste champ de la gare, où des trains évoluaient, continuellement. Elle les suivait de ses yeux effarés, elle pensait que, sûrement, le juge était là pour l’affaire, et que les deux hommes causaient d’elle, que son sort se décidait, à la minute même. Alors, envahie d’un désespoir, l’envie la tourmenta, plutôt que de retourner rue du Rocher, de se jeter tout de suite sous un train » (chap. 5).

Lorsque Lantier reconnaît les Roubaud au cours d’un interrogatoire mené par le juge Denizet, ceux-ci obtiennent qu’il continue à garder le silence. Ils commencent à se fréquenter et Lantier et Séverine deviennent amants, avec le consentement tacite de Roubaud.
Cette dernière le pousse à tuer Roubaud, mais Lantier n’y parvient pas. Sans raison autre apparente que son obsession de tuer une femme, il assassine plutôt Séverine. Cela relance l’enquête sur la mort de Grandmorin, enquête que Camy-Lamotte était parvenu à faire enterrer afin de ne pas porter atteinte à la réputation de la Compagnie.

Le récit, parsemé de morts brutales et souvent criminelles, se termine très mal pour tous ses protagonistes : Roubaud est condamné aux travaux forcés à perpétuité, ayant avoué la vérité au juge Denizet après la mort de Séverine ; Lantier meurt écrasé par son train, après une querelle avec son adjoint. La guerre de 1870 vient d’être déclarée, et le train transporte des soldats en route vers le front.

[1] Président en retraite de la Compagnie de l’Ouest, homme puissant et violent, il a fait embaucher Roubaud à la gare du Havre.



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