Le café Brébant à Paris

Le lundi 18 août 2014.
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La rue du Faubourg-Montmartre. À droite, le Brébant

À la sortie du métro "Grands boulevards" (anciennement "Rue Montmartre"), à l’intersection nord du boulevard et de la rue du Faubourg-Montmartre, trône encore un beau café à la longue terrasse, dont l’aménagement intérieur a été récemment refait (et le prix des consommations également…).

Il s’agit du café Brébant, dont le glorieux passé pourrait y être davantage mis en valeur. C’est l’ancien hôtel Dezègre, devenu café des Grands Hommes, puis café Mathon, puis café d’Allez, puis, en 1865, hôtel restaurant Brébant. À partir de 1869-1870, Brébant succède au restaurant Magny (situé alors rue Contrescarpe-Dauphine - aujourd’hui rue Mazet), désormais trop petit pour accueillir des dîners rassemblant les frères Goncourt, Sainte-Beuve, Renan, Taine, Saint-Victor, Tourguénieff, Soulié, Flaubert, Burty, Berthelot… La règle y était que rien ne serait répété à l’extérieur. Les frères Goncourt l’enfreindront joyeusement dans leur Journal.

Journal des Goncourt, 24 janvier 1871, pendant le siège de Paris et quelques semaines avant le début de la Commune :

Chez Brébant, dans la petite antichambre qui précède le grand cabinet, où l’on dîne, tout le monde comme brisé, épars sur le canapé, sur les fauteuils, parle à voix basse, ainsi que dans la chambre d’un malade, des tristes choses du jour, et du lendemain qui nous attend.

On se demande si Trochu n’est pas un fou. À ce propos, quelqu’un dit avoir eu communication d’une affiche imprimée, mais non affichée, destinée à la mobile, où le dit Trochu parle de Dieu et de la Vierge, comme en parlerait un mystique.

Dans un coin, un autre de nous fait remarquer que ce qu’il y a surtout de criminel, chez deux hommes, comme Trochu et comme Favre, c’est d’avoir été dans l’intimité des désespérateurs, dès le principe, et cependant d’avoir, par leurs discours, leurs proclamations, donné à la multitude la croyance, la certitude d’une délivrance, certitude qu’ils lui ont laissée jusqu’au dernier moment, « et il y a là, reprend du Mesnil, un danger : c’est qu’on ne sait pas, la capitulation signée, si elle ne sera pas rejetée par la portion virile de Paris ? »

Renan et Nefftzer font des signes de dénégation.

« Prenez garde, continue du Mesnil, on ne vous parle pas de l’élément révolutionnaire, on vous parle de l’élément énergique bourgeois, de la partie des compagnies de marche qui s’est battue, et veut se battre, et ne peut accepter comme ça, tout à coup, cette livraison de ses fusils et de ses canons. »

Deux fois on a annoncé le dîner, mais personne n’a entendu.

On se met enfin à table.

Chacun tire son morceau de pain.

— Au fait, dit je ne sais plus qui, vous savez comment Bauer a baptisé Trochu : « un Ollivier à cheval ! »

La soupe est mangée. Ici Berthelot donne l’explication vraie de nos revers : « Non, ce n’est pas tant la supériorité de l’artillerie, c’est cela seulement que je vais vous dire. Oui, le voici, c’est quand un chef d’état-major prussien a l’ordre de faire avancer un corps d’armée sur un tel point, pour une telle heure : il prend ses cartes, étudie le pays, le terrain, suppute le temps que chaque corps mettra à faire certaine partie du chemin. S’il voit une pente, il prend son… (un instrument dont j’ai oublié le nom) et il se rend compte du retard. Enfin, avant de se coucher, il a trouvé les dix routes par lesquelles déboucheront, à l’heure voulue, les troupes. Notre officier d’état-major, à nous, ne fait rien de cela, il va le soir à ses plaisirs, et le lendemain, en arrivant sur le terrain, demande si ses troupes sont arrivées, et où est l’endroit à attaquer. Depuis le commencement de la campagne, et je le répète, c’est la cause de nos revers, depuis Wissembourg jusqu’à Montretout, nous n’avons jamais pu masser des troupes sur un point choisi, dans un temps donné. »

On apporte une selle de mouton.

— « Oh ! dit Hébrard, on nous servira le berger à notre prochain dîner ! »

Au café Brébant se tiennent aussi dans les années 1870-1880 les "dîners des Spartiates" animés par Paul de Saint-Victor et les frères Houssaye [1] et, à la fin des années 1870, les dîners du "bœuf nature", autour de Zola et des naturalistes [2].

[1] Voir aussi www.octaveuzanne.com/2013/03/octave-uzanne-chez-les-spartiates-les.html.

[2] Sur ces différents dîners, voir le bel article Convivialité masculine au XIXe siècle : les dîners Bixio et Magny d’Anne Martin-Fugier.



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