Chez "La belle Italienne"

Le Tambourin

27 rue de Richelieu, puis 62 boulevard de Clichy
Le mardi 22 novembre 2005.
La toute première exposition Van Gogh.

Par Bernard Vassor ©2005

Travaillant depuis de nombreuses années sur ce sujet, l’ouvrage de Sophie de Juvigny a été une véritable révélation dans la connaissance de ce milieu et de cette période de l’histoire de l’impressionnisme.

Agostina Ségatori (Ancone, 1841-1910 ?), « l’Italienne », est un modèle professionnel qui a posé entre autres pour Manet, Corot, Léon Gérôme, et sans doute Vincent Van Gogh (au Café du Tambourin, musée Van Gogh Amsterdam).
Le portrait réalisé par Manet a été vendu par le marchand Portier à Alexandre Cassatt, le frère de Mary qui se trouve aujourd’hui dans une collection privée new-yorkaise.

Le tableau de Corot Portrait d’Agostina est daté de 1866, de son voyage en Italie. Nous avons beaucoup plus tôt, vers 1860, « la Femme au tambourin ».

Nous savons aujourd’hui, grâce à Sophie de Juvigny, que Edouard Dantan a été le compagnon d’Agostina de 1872 à 1884, avec qui il a eu un fils [1] non légitimé par le peintre.
Il sera reconnu plus tard par un certain monsieur Morière qui a peut-être été le mari de la belle italienne. Une belle affiche de Jules Chéret fait la réclame du cabaret de la rue de Richelieu qui fermera ses portes en 1885 pour les rouvrir la même année au 62 boulevard de Clichy.

Maxime Lisbonne, « Le d’Artagnan de la Commune », publie cette annonce dans son journal La Gazette du Bagne : Au Tambourin.

Rien des auberges dont la nudité et le délabrement des murs fait la pauvre originalité. (…) C’est en effet madame Ségatori, propriétaire du Tambourin qui a réuni, placé avec un sentiment artistique, les œuvres des maîtres qui ont transformé son établissement en une des plus intéressantes galeries de tableaux qui se puisse.
Pour ajouter à l’attrait de son établissement, la directrice s’est adjoint les plus charmantes collaboratrices qui se puissent voire, fraîches fleurs écloses au soleil d’Italie et épanouies dans le rayonnement chaud de notre capitale.

Sur le carton, le jour de l’inauguration le 10 avril 1885, on pouvait lire ces mots :
Sachant comment on se comporte De sa main célèbre à Capri, Joyeuse en ouvrira la porte.

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La patronne de ces lieux et les charmantes hôtesses accueillent la clientèle en costume folklorique. Une exposition de peintures organisée pour l’occasion seront vendue aux enchères, on y voit des œuvres de Edouard Dantan, Léon Gérôme, Bernard ( ?), de Pille et quelques autres peintres dont nous avons aujourd’hui oublié les noms. Le mobilier,(tables chaises éléments du bar) est uniquement composé de tambourins ornés par différents artistes dont Gauguin (fleurs et feuillage et fruits) Norbert Goeneute, Ludovic Némo [2], Todde, etc.

Vincent Van Gogh va y organiser une exposition de crépons japonais qui, selon Vincent lui-même, sera un désastre. Puis, avec ses amis Toulouse-Lautrec Gauguin et son « copain » Emile Bernard, Louis Anquetin, un accrochage va avoir un peu plus de succès, car Bernard et Anquetin vont pouvoir vendre leur premier tableau.

« Ce fut vers cette époque que Vincent fréquenta une taverne qui avait nom « le Tambourin » et que tenait une fort belle italienne, ancien modèle, étalant dans un comptoir bien à elle ses charmes sains et imposants. ». Selon Emile Bernard, Vincent avait conduit le père Tanguy dans cet établissement : « ce qui donnait beaucoup d’inquiétudes à la brave mère Tanguy, qui ne pouvait s’imaginer les raisons enfantines et même innocentes de ses escapades. Vincent, selon un contrat de quelques toiles par semaine, mangeait au Tambourin (…) Cela dura plusieurs mois, puis l’établissement périclita, fut vendu, et toutes ces peintures mises en tas furent adjugées pour une somme dérisoire.

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Le père Tanguy.

(…) Vincent étant parti pour Arles et le pèreTanguy se trouvant seul, visité seulement de temps en temps par de rares clients, la belle Italienne du Tambourin tomba dans une grande gêne. Alors Tanguy la recueillit, ce qui donna lieu à bien des médisances.(…) »

Faut-il croire Ambroise Vollard quand il raconte dans Les Souvenirs d’un marchand de tableaux ? :
«  Un jour, passant sur le boulevard de Clichy, la curiosité me fit entrer dans un petit restaurant qui portait l’enseigne « Au Tambourin », en même temps que moi était entré un individu qui demanda à la patronne : Vincent est arrivé ? Il est parti il y a une minute. Il était venu accrocher ce tableau des Tournesols, puis il est sorti aussitôt" !!!

Devenu en 1893, le cabaret de la Butte, il fut le cabaret des Quat’Z’Arts à la fin du siècle.

Quelques œuvres de Dantan données ou consacrées à Agostina et son fils :
En 1873, un médaillon en cire d’Agostina Ségatori, Jupiter et Léda, L’Annonciation,
Plusieurs portraits de Jean-Pierre, Trombolino.
En 1878 : Femme turque assise faite rue Capron à Montmartre, Jean-Pierre en incroyable, Jean-Pierre en costume Breton, etc. Vous trouverez la liste complète dans l’ouvrage indispensable de Sophie de Juvigny cité plus bas.
En 1884, malgré leur séparation, il lui offre pour son bar rue de Richelieu, le portrait d’une Villervillaise, La mère Catin la Dufay, et un bouc peint sur un tambourin.

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Légende de la composition :
En-tête de l’album d’estampes japonaises ayant appartenu à Vincent.
Description de la « nature morte » prêtée par Paul Gachet en 1951 au Louvre :
Cadre avec crêpons japonais ayant appartenu à Vincent montés par Gachet fils, qui les tenait de Théo, sur un fond doré orné d’une inscription en japonais qui signifie qu’ils se trouvaient dans la chambre de Vincent à AUVERS en 1890.
Affiche 3 couleurs du tambourin rue de Richelieu par Chéret (OD32) 3 tubes Tasset et Lhote, et Tanguy (OD31) palette pour Mlle Gachet au piano
Un verre déjà utilisé par Cézanne un vase en grés japonais : nature morte, Roses et Anémones
Bambous taillés utilisés par Vincent.
Un tambourin de chez Agostina signé H.TODE 1886
Le livre est : La Fille Elisa (Goncourt)

Ségatori-Morière Jean-Pierre né le 6 octobre 1873
1 rue Mansart Paris
Fils non reconnu d’Edouard Dantan
Entre au lycée de Vanves le 6 octobre 1879 en sort le 15/12/1885
Encadreur, doreur sur bois

Sources :
Michael Pakenham, catalogue de l’exposition du Grand Palais, janvier-avril 1999
Sophie de Juvigny, conservateur du musée de Saint Cloud : Edouard Dantan, des ateliers parisiens aux marines normandes Somogy Paris 2002
Emile Bernard, article du Mercure de France, 16 décembre 1908
André Roussard, dictionnaire des lieux à Montmartre, éditions André Roussard Paris 2001
Sophie Monneret, l’Impressionnisme et son époque, Denoël 1978 Paris
Marcel Cerf Maxime Lisbonne, le d’Artagnan de la Commune, éditions du Panorama (Suisse) 1967
Article Bernard Vassor dans : Les Montmartrois, ed André Roussard Paris © 2004

Les recherches ne sont pas terminées, toutes les informations à ce sujet sont les bienvenues.

[1] Manet : l’italienne 1860.

[2] Ludovic Némo est le pseudonyme d’Emile Bernard.



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