L’Homme au ventre de plomb

Enquête dans le Paris de 1761
Le vendredi 5 mai 2006.

Dans ce second épisode des aventures du héros de Jean-François Parot [1], Nicolas Le Floch doit résoudre l’énigme d’un meurtre dans une chambre close, celui d’un vicomte, fils du comte et de la comtesse de Ruissec, intervenu le 23 octobre 1761. Le vicomte a été tué par… ingestion de plomb en fusion ! Ses habits ont été trempés par une eau de rivière. Pour la famille, il s’agit d’un suicide, malgré les évidences.
En ces temps de guerre contre l’Angleterre et d’intrigues de cour, Nicolas et son supérieur M. de Sartine marchent sur des œufs. Une autre enquête vient interférer sur la première : le carrosse d’un ministre de Bavière a été saisi, rempli de tabac de contrebande. Nicolas doit retrouver le cocher du diplomate, présumé coupable. Or il se trouve que le carrosse a croisé la route de mystérieux personnages qui, au pont de Sèvres, étaient affairés à se débarrasser d’un corps dans la Seine…

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L’hôtel de Beauvais, 68 rue François-Miron.

Les Ruissec ont leurs entrées à Versailles. La comtesse est dame d’honneur de Madame Adélaïde, fille de Louis XV.
L’enquête de Nicolas montrera que le meurtre du vicomte est bien lié à un complot qui vise la personne du roi et sa favorite Mme de Pompadour, complot auquel se mêlent de tenaces vengeances privées, divers chantages et quelques protections haut placées. Les Ruissec père et fils font partie des comploteurs, ainsi qu’un garde du corps cupide du roi qui fréquente les maisons de jeux avec le frère du mort. Mais celui qui tire les ficelles n’est pas celui que l’on croît. Le fin mot de l’histoire, qui repose sur une vindicte personnelle qui aboutit des années après le méfait, rappelle l’intrigue de La Mémoire des flammes, d’Armand Cabasson.

Le roman est tonique et le style velouté de Jean-François Parot réserve au lecteur - entre deux délicieux repas d’époque - de nombreuses scènes d’action, dont une qui voit Nicolas reconstituer malgré lui le déroulement du crime.

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L’hôtel de Beauvais.

-  La scène d’ouverture de L’Homme au ventre de plomb se situe dans le théâtre du Palais-Royal, à l’angle de la rue Saint-Honoré et de la rue de Valois. Nous sommes en 1761, donc un siècle après l’ouverture, au même endroit, du roman 1661. Nicolas est présent car il assure la protection de Madame Adélaïde, fille du roi, qui assiste aux Paladins, médiocre pièce de Rameau. L’intrigue débute quand on vient annoncer au comte et à la comtesse de Ruissec, dans la loge royale, que leur fils vient d’être retrouvé mort dans la maison familiale à Grenelle.

-  La comtesse de Ruissec donne rendez-vous à Nicolas au couvent des Carmes, rue de Vaugirard [2], sans savoir que la mort l’y attend.
C’est dans ce couvent que Nicolas a été accueilli a son arrivée dans la capitale début 1761, par le père Grégoire, ami de son père M. de Ranreuil et apothicaire (pharmacien) du couvent.
Le couvent s’est ouvert en 1611. Son apothicairerie produit l’eau de mélisse, dont la recette est tenue secrète et qui soulage les migraines du cardinal Richelieu. Le couvent connaît de tragiques événements à la révolution et est ensuite utilisé comme prison. L’archevêque de Paris le confie en 1849 au Père Lacordaire, qui y établit un institut d’études supérieures qui existe toujours.

-  Dans les caves du Grand-Châtelet (remplacée depuis par la place du Châtelet), les médecins Sanson et Semacgus s’apprêtent à procéder à l’« ouverture » du vicomte de Ruissec lorsqu’une troupe de soldats vient les en empêcher, sur ordre de M. de Saint-Florentin, ministre du roi. Cela s’appelle étouffer une affaire. Mais Nicolas poursuit tout de même ses investigations, couvert officieusement par M. de Sartine… et Mme de Pompadour, qui craint que les Ruissec ne complotent contre elle.

- L’inspecteur Bourdeau et Nicolas se restaurent souvent tout près, dans leur estaminet favori, rue du Pied-de-Bœuf (qui se trouverait aujourd’hui au nord-est de la place du Châtelet).

-  Le baron Van Eyck, ministre de Bavière, victime dans le roman d’une accusation de contrebande, habite l’hôtel de Beauvais rue Saint-Antoine. Ce magnifique hôtel qui existe encore 68 rue François-Miron (qui prolongeait la rue Saint-Antoine avant le percement de la rue de Rivoli) a effectivement été loué dans les années 1760 par le comte Van Eyck, qui y accueillit pendant cinq mois le jeune Mozart lors de sa première tournée parisienne.

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La porte de la Conférence.

-  C’est en entrant dans Paris par la porte de la Conférence que le baron Van Eyck subit un contrôle de son carrosse qui révèle la présence de ballots de tabac. Un panneau signale l’emplacement de cette porte dans le jardin des Tuileries, près du musée de l’Orangerie.

-  Au pont de Sèvres, le carrosse du baron Van Eyck surprend des malfaiteurs occupés à plonger un corps inanimé dans la Seine.

-  Au milieu de leurs enquêtes, Nicolas et l’inspecteur Bourdeau reprennent des forces à l’auberge de la mère Morel, rue des Boucheries-Saint-Germain (remplacée par le boulevard Saint-Germain dans sa portion comprise entre les stations de métro Mabillon et Odéon).

-  Un billet trouvé sur le cadavre de la comtesse conduit Nicolas jusqu’à la Comédie italienne, qu’abrite l’annexe de l’hôtel de Bourgogne dont une plaque au 29 rue Etienne-Marcel garde la mémoire. La tour Jean sans Peur, au 20 de la même rue, était également située sur les terrains de l’hôtel de Bourgogne.

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La tour Jean sans Peur, 20 rue Etienne-Marcel.

-  Melle Bichelière, comédienne à la Comédie italienne, habite dans une maison au coin de la rue de Richelieu et du boulevard Montmartre. Elle semble très liée aux deux fils de Ruissec.

-  Le frère du vicomte habite à l’entresol d’une maison de la rue de l’Hirondelle, qui a conservé son charme d’autrefois. L’occupant des lieux échange rapidement son modeste appartement contre une cellule à la Bastille, en qualité de témoin récalcitrant.

-  Sur le pont au Change se tient l’échoppe du joaillier Koegler, que ces messieurs du Grand-Châtelet consultent souvent en matière de bijoux volés.

-  Pour mieux connaître le passé sombre du comte de Ruissec, Nicolas se rend à l’hôtel de Noailles, au niveau actuel du 211 rue Saint-Honoré. C’est l’adresse du tribunal du Point d’honneur où siègent en personne les maréchaux de France pour juger d’affaires impliquant des gentilshommes civils et militaires, français et étrangers. M. de La Vergne, secrétaire du tribunal, est bien sûr un ami de Nicolas.

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L’impasse Saint-Eustache.

A connaître : www.polarhistorique.com, le blog sur le roman policier historique.

[1] L’Homme au ventre de plomb. Editions 10/18, n°3261, 2001.

[2] Voir la plaque au 74 rue d’Assas et la photo de notre article Le Fantôme de la rue Royale.



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