[L’homme] sait le grand secret de toute créature. […]
Il sait que l’on n’est pas heureux.
Il sait que depuis qu’il y a l’homme
nul homme jamais n’a été heureux. […]
Or il n’a qu’une pensée.
C’est que son fils soit heureux."
Péguy. Clio, 1913.
On ne lit pas Péguy pour se divertir.
Son style, tout d’abord, peut faire frein. Volontiers répétitif, il en inspirera d’autres, notamment Gertrude Stein.
L’ardeur permanente de sa quête, ensuite. Sans jamais se laisser enfermer dans un parti ou une église, l’homme embrasse la cause socialiste en 1895, la cause de Dreyfus en 1898, puis la foi catholique vers 1904-1907.
Dans ses articles, pamphlets, livres et poèmes, la réflexion politique et philosophique et la méditation laissent peu de place à la légèreté et à l’humour. Pas le temps.
Le poète naît à Orléans, 48 faubourg Bourgogne, le 5 janvier 1873. Pendant dix-huit ans, il vit là (la maison a malheureusement été détruite depuis).
Petit garçon fragile, zézayant, supportant les moqueries des voisins, dont les premières années baignent dans la morne atmosphère du lendemain de la défaite de 1870 et sont entourées de femmes peu aimantes (son père, menuisier descendant de laboureurs et de vignerons, a souffert du siège de Paris et décède l’année de sa naissance ; Charles est élevé par sa grand-mère fabricante d’allumettes et sa mère rempailleuse de chaises).
Ces obstacles le stimulent, et il devient bientôt un brillant élève à l’école de la rue des Turcies, puis au lycée d’Orléans.
En 1891, il intègre le lycée Lakanal à Sceaux et, après un service militaire à Orléans, devient en 1893 interne au collège Sainte-Barbe à Paris, d’où il suit les cours de Louis-le-Grand, avant de rentrer en août 1894 à l’Ecole Normale.
Entre novembre 1895 et novembre 1896, il s’en absente pour rejoindre l’arrière-boutique de l’épicerie -temporaire- de sa mère, 2 rue de Bourgogne, et la maison du 48 faubourg Bourgogne, où il écrit Jeanne d’Arc.
En octobre 1897, il se marie avec Charlotte Baudoin, soeur de Marcel, son ami de Sainte-Barbe. Le couple s’installe chez la belle-mère, au 3ème étage du 7 rue de l’Estrapade. Son mariage lui permet d’accéder à une meilleure situation financière. Il publie sa Jeanne d’Arc (753 pages, dont certaines blanches pour inciter à la réflexion) et fonde 17 rue Cujas la librairie et les éditions Georges Bellais (qui vivront une bonne année seulement), après avoir quitté l’Ecole Normale.
En juillet 1899, les Péguy emménagent dans la maison des Sablons, à Saint-Clair près d’Orsay (mais il arrive à l’écrivain de dormir rue Cujas). La maison des Sablons est située au sommet d’un plateau, entre le Chalet des mille briques et l’immeuble de l’angle du chemin des Sablons et du chemin de Gif au Guichet.
Pour s’opposer à la mainmise du parti socialiste sur la presse militante, et pour pouvoir penser hors des chemins balisés de la doctrine marxiste, Péguy donne naissance, en janvier 1900, aux Cahiers de la Quinzaine qui paraîtront… à peu près toutes les quinzaines jusqu’à 1914 (soit 229 cahiers).
Basée 16 puis 8 rue de la Sorbonne, la revue est d’abord d’opinion et d’actualité, puis de plus en plus littéraire, accueillant la prose de Romain Rolland, André Suarès, Daniel Halévy, Anatole France et d’autres, et toutes les oeuvres de Péguy publiées de son vivant.
Il est en même temps rédacteur, typographe, correcteur, gérant, éditeur… L’équilibre financier n’est jamais atteint !
Autres demeures de l’auteur
L’écrivain, tué le 5 septembre 1914 lors de la bataille de l’Ourcq alors qu’il était lieutenant au 276ème régiment d’infanterie, est enterré au cimetière militaire français de la Grande Tombe de Villeroy, à Chauconin-Neufmontiers, près de Meaux.
À voir aux alentours Présences littéraires autour d’Orléans :
Eugène Labiche à Souvigny-en-Sologne,
Eugène Sue à Souesmes,
Alain-Fournier à Nancay,
Genevoix à Brinon-sur-Sauldre et Saint-Denis-de-l’Hôtel,
Max Jacob à Saint-Benoît-sur-Loire,
Villon à Meung-sur-Loire,
Patrice de La Tour du Pin au Bignon-Mirabeau.
Petite bibliographie
Les étapes de Péguy. Article de René Johannet, in Demeures inspirées et sites romanesques, tome II, éditions de l’Illustration.
L’Amitié Charles Péguy, bulletin trimestriel d’informations et de recherches édité par l’Association Amitié Charles Péguy.
http://www.parisfierte.com http://www.parisfierte.com/reportages05.html
PEGUY ET PARIS 25 novembre 2005
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Le vendredi 25 Novembre, une trentaine de camarades se réunissaient pour rendre hommage au grand écrivain et grand français, Charles Péguy, poète éternel mort sur le champ de bataille de la Marne dans les premiers mois de la grande guerre civile européenne.
Péguy, écrivain iconoclaste en lutte perpétuelle contre les conformismes de son temps, a beaucoup écrit sur les beautés mais aussi les dangers de notre capitale et c’est notamment à ce titre que l’association Paris Fierté avait décidé de lui consacrer sa seconde soirée littéraire.
C’est dans la bruyante chaleur d’un bar que débutaient les lectures des textes de Péguy en vers et en prose, puis la petite troupe s’installait sur le parvis de Notre Dame pour poursuivre, à la lueur des flambeaux, les évocations de la Ville Lumière et de son enivrante spiritualité.
Réchauffés par quelques verres de vin et quelques chants de tradition, les participants rejoignirent ensuite un bar de Saint-Germain pour y terminer cette soirée de littérature, de souvenirs et d’amitié
Message d’introduction :
Quel beau thème pour une soirée que Péguy et Paris ou le Paris de Péguy plutôt, car comme pour tout Péguy s’approprie les choses, la ville lumière n’y fait pas exception.
Charles Péguy est né à Orléans de l’autre côté de la plaine de Beauce qu’il voyait comme une immense mer secouée par des tempêtes de terre, hérissée pendant l’été d’épis de blés qui reproduisent à l’infini les flèches de Notre Dame de Chartres. Pourtant c’est vers Paris qu’il est attiré. C’est là qu’il va naître comme auteur, qu’il va se démener comme activiste, qu’il va se créer un monde à lui.
Péguy aime et déteste Paris. Il fuit la Capitale tous les soirs pour retrouver le calme de sa maison d’Orsay où il peut aller méditer ses textes furieux au milieu des champs. Pourtant tous les jours, avec une précision d’horloger il la retrouve. Il se rend dans sa boutique, rue de la Sorbonne ou chez son imprimeur à Suresnes. On le voit à la terrasse de café boulevard Saint Michel débattant sans cesse de la duperie du monde moderne. On le retrouve traversant le bois de Boulogne ou le Luxembourg d’un pas rapide parfois en compagnie de Jaurès quand ils n’étaient pas fâchés, d’Halévy, de Psichiari, de Benda ou de Maritain. Il marche infatigablement, il n’aime pas le métropolitain et ses deux lignes inaugurées à l’occasion de l’exposition universelle de 1900. Quelle utilité d’aller si vite ! Mais tous les soirs, il change de vie et retrouve le calme de sa salle à manger où il noircit des pages et des pages de colère mais aussi d’espérances. […]
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