Balade littéraire à Paris pendant les révolutions de 1848 (3)

De la rue du Bac à l’avenue Denfert-Rochereau
Le vendredi 24 février 2006.

1) Chateaubriand meurt 120 rue du Bac en juillet 1848, comme pour montrer par un geste définitif son désaveu face à l’avènement, depuis février, d’une classe politique au verbe à ses yeux inexistant. Hugo écrit dans Choses vues : « Paris était comme abruti par les journées de juin, et tout ce bruit de fusillades, de canon et de tocsin qu’il avait encore dans les oreilles l’empêcha d’entendre, à la mort de M. de Chateaubriand, cette espèce de silence qui se fait autour des grands hommes disparus ».

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120 rue du Bac.

2) L’Ami du peuple, 40 rue du Four Saint-Germain (aujourd’hui rue du Four), paraît sous la direction de Raspail entre février et mai 1848.

3) Revenons à L’Éducation sentimentale. Les Arnoux occupent un logement rue de Fleurus, en bas duquel, fortune à nouveau défaite, ils ont ouvert un magasin d’articles religieux.

4) Au 4 rue de Tournon, l’hôtel de Montmorency est une des adresses d’Alphonse de Lamartine et de Ledru-Rollin en 1848.

5) Michel Bakounine demeure 10 rue de Tournon en 1848. Ce russe né en 1814 rencontre à Paris Marx, Engels, Proudhon, etc. Expulsé de Paris pour activisme politique, il y est de retour, comme Marx, après février 1848. Il prône la révolution en Europe, et tente de l’accompagner en Pologne puis en Allemagne. Il est emprisonné en 1850 et retrouve la liberté en 1861. Il devient anarchiste et on le reverra à Lyon en 1870, essayant d’y décréter la suppression de l’État.

6) Frédéric et Hussonnet déjeunent au café Tabourey, à l’angle de la rue Molière (devenue Rotrou) et de la rue de Vaugirard (L’Éducation sentimentale). Ils viennent de faire connaissance à l’occasion d’une manifestation devant le Panthéon à l’issue de laquelle ils ont tenté sans grand succès de sortir des mains de la police Dussardier, un grand gaillard à l’esprit échauffé. Hussonnet « fabrique des réclames » pour les journaux, en particulier pour L’Art industriel, magasin-journal artistique de Jacques Arnoux. Cela tombe bien… Frédéric rêve de rencontrer Madame Arnoux !
Balzac fréquentait le café Tabourey, ainsi que Baudelaire, Leconte de Lisle, Banville…

7) Juste à côté, George Sand demeure chez son fils 8 rue de Condé en 1848. Liée à Ledru-Rollin, Étienne Arago (frère de François), Louis Blanc, etc., elle rédige des articles pour les Bulletins de la République et participe à des réunions du gouvernement. Comme les socialistes, elle est contre des élections en avril 1848. Elle craint que le conservatisme de la province ne l’emporte sur l’esprit républicain, et elle n’a pas tort. N’acceptant pas les orientations que prend le gouvernement après les élections, elle repart à Nohant en mai 1848.

8) Repassons de la réalité au roman. Au début de L’Éducation sentimentale, Frédéric, jeune étudiant provincial, habite une chambre quai Napoléon, devenu quai aux Fleurs.

9) Jules Michelet reprend ses cours d’histoire et de morale le 6 mars 1848 au Collège de France, place Marcelin-Berthelot. Ils avaient été suspendus au début de l’année et le seront à nouveau en mars 1851. Pressé de toutes parts, il se présente aux élections législatives mais n’est pas élu. À cette époque, il habite 45 rue de Villiers, devenue depuis rue Guersant.

10) Avant d’habiter quai Napoléon, Frédéric occupe une chambre dans un hôtel meublé rue Saint-Hyacinthe, aujourd’hui rue Paillet. Il vient dans la capitale pour « faire son droit ». C’est dans cette rue que Flaubert s’était installé, débarquant à Paris pour étudier… le droit.

11) Félicité Lamennais habite 8 rue des Feuillantines en 1848, dans l’ancien couvent des Feuillantines où Hugo a vécu enfant de 1808 à 1813. Élu député en avril 1848, il démissionne en mai, déçu par le comportement de certains confrères qui s’opposent en particulier aux libertés locales. Après juin, il saborde son journal Le Peuple constituant, considérant que la répression fait honte à la République. Dans le dernier numéro, le 11 juillet 1848, il donne son interprétation des nouvelles lois sur la presse : « Silence aux pauvres ! ».

12) François Arago, ministre au gouvernement provisoire en 1848, demeure alors 6 rue Cassini. C’est aussi, trente ans plus tard, l’adresse de Camille Flammarion.

13) Le 81 avenue Denfert-Rochereau et le 4 rue Serpente sont les adresses d’Alexandre Auguste Ledru-Rollin en 1848.



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