MOLIERE à Paris et en province

Le jeudi 28 août 2003.
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La "maison des singes", rue Saint-Honoré à Paris.

À la différence de ses contemporains La Fontaine, La Bruyère, Racine et Corneille, aucune maison ne demeure debout pour perpétuer à Paris ou ailleurs le souvenir de Molière.
Alors, nous vous invitons à ressusciter cet étonnant personnage en marchant dans ses pas, Le roman de monsieur de Molière de Mikhaïl Boulgakov (1933) à la main.
De la prison à la cour de Louis XIV (qu’il fait danser dans ses dernières pièces !), ce comédien-auteur-directeur de troupe saura en permanence allier provocation et flatterie des puissants, expliquant à qui veut l’entendre que ses pièces ne visent ni ne se moquent des dévôts, des médecins, des riches ou des précieux, mais de leurs excès.

  Jean-Baptiste Poquelin naît en 1622 dans la « maison des singes » 96 rue Sauval, à l’angle de la rue Saint-Honoré. Cette maison -détruite et reconstruite en 1802- ne doit pas son nom à ses occupants, mais à l’arbre de pierre et habité de primates qui ornait sa façade. À son rez-de-chaussée se trouve alors la boutique et les ateliers de M. Poquelin père, tapissier du roi.
Madame Poquelin décède lorsque Jean-Baptiste a dix ans. La famille emménage ensuite dans le quartier de la foire de Saint-Germain. Son père verrait bien Jean-Baptiste lui succéder, ou au moins être avocat, mais c’est compter sans le grand-père (tapissier lui aussi) qui entraîne bientôt son petit-fils dans les théâtres, en particulier à l’Hôtel de Bourgogne (à l’angle de la rue de Mauconseil et de la rue Française), où joue la troupe royale.
  Lorsque Jean-Baptiste refuse de devenir tapissier, son père l’envoie étudier cinq ans chez les jésuites au collège de Clermont, futur lycée Louis-le-Grand. Il s’y lie à un autre étudiant, Claude Chapelle, et, par Chapelle, à Pierre Gassendi, mathématicien et physicien, et à Cyrano de Bergerac, officier-ivrogne-écrivain.
  Jean-Baptiste continue pendant ses études d’être assidu au théâtre et fait la connaissance de Madeleine Béjart, une talentueuse comédienne de quatre ans son aînée. Il visite souvent les Béjart, qui habitent 6 rue de la Perle (en 1642, il habite la toute proche rue de Thorigny).
  En 1642 meurt Richelieu. En 1643 décède Louis XIII. Cette année-là, c’est décidé, Jean-Baptiste annonce à son père qu’il refuse aussi d’être avocat et ne veut être que comédien. Au jeu de paume des Métayers (13 rue de Seine et 12 rue Mazarine), il crée sa troupe, l’Illustre Théâtre, avec les Béjart et un peu d’argent paternel. Cette première aventure se termine quelques semaines plus tard… en prison, les affaires ayant été peu florissantes et Molière (il vient d’adopter ce nom) étant poursuivi par ses créanciers.
  À hauteur du 32 quai des Célestins, il installe sa troupe en 1645 dans la salle du jeu de Paume de la Croix-Noire. Il habite alors rue des Jardins Saint-Paul, sans doute à l’emplacement du n°6. Les affaires ne fleurissent pas beaucoup plus.
  Changer de métier ? Non ! De public, oui ! Il décide alors d’entraîner sa troupe en province. De Bordeaux à Nantes, de Limoges à Lyon, de Pèzenas (où la troupe est appelée à jouer à plusieurs reprises à l’occasion des divers États de la province du Languedoc) à Narbonne, ils s’arrêtent sur les places des villages, chez les ducs et les notables. Les succès appellent les succès lorsque Molière, délaissant la tragédie, se met à écrire des pièces comiques. C’est ainsi une douzaine d’années de représentations en province. Sa troupe devient la protégée du prince de Conti.
  Lorsqu’ils reviennent à Paris fin 1658, c’est pour être reçus par Louis XIV lui-même. La troupe opère alors, jusqu’à 1660, au théâtre du Petit-Bourbon au sud-est de la Cour Carrée du Louvre. Dans Les Précieuses ridicules (1659), Molière raille les habitués du salon de Mme de Scudéry et de celui de Mme de Rambouillet.
  Lorsque le Louvre s’agrandit et que le théâtre est détruit, en octobre 1660, Louis XIV accorde à la troupe la salle du palais-Royal, à l’angle de la rue de Valois et de la place du Palais-Royal. Molière y dirige sa troupe jusqu’à sa mort en 1673. Ses dernières années sont ses plus glorieuses, en particulier avec onze comédies-ballets dont l’objectif est double : distraire le spectateur, et permettre aux comédiens de changer de costume.
Sa vie personnelle est plus délicate. Il épouse en 1662 Armande, fille de Madeleine, qu’on soupçonne également d’être sa propre fille… Le bonheur conjugal dure très peu de temps. L’école des femmes (1662) en donne une idée. En 1664, il compose discrètement Tartuffe, dont il lit des extraits dans le salon de Ninon de Lenclos. La pièce est jouée et choque énormément lors des festivités qui marquent l’achèvement de l’amènagement du château de Versailles.
  Trois ans plus tard, déçu de la vie parisienne (son Tartuffe remanié a été de nouveau interdit), il loue une maison de campagne à l’angle de la rue de Rémusat - n°29 - et de l’avenue Théophile Gautier - n°62 (d’autres situent cette maison au n°2 rue d’Auteuil). Il y reçoit Racine (l’étoile montante qui joue pourtant la concurrence plus que la collaboration avec lui), Boileau, La Fontaine, La Bruyère, Lulli, Chapelle, et y écrit Amphytrion. Il réintègre Paris en 1671.
  Après une représentation du Malade imaginaire, il s’éteint à quelques pas du théâtre du Palais Royal, au second étage du 40 rue de Richelieu. C’est là qu’il s’est installé en 1672 (l’immeuble actuel date de 1765), après avoir habité quatre autres adresses dans le quartier.

Pour visiter le lieu
À Pézenas, la boutique du barbier où aimait s’installer Molière est maintenant la Maison du tourisme et de la culture (tél. : 04 67 98 36 40).

Petite bibliographie
Le roman de monsieur de Molière, Mikhaïl Boulgakov. Folio-Gallimard.
Les écrivains du Palais-Royal, Le Promeneur des lettres, 6 rue Raffet, 75016 Paris (tél. 01 40 50 30 95).



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