Fille du financier et ministre français Necker, Anne-Louise Germaine Necker naquit à Paris le 22 avril 1766. Elle montra dès l’enfance une remarquable précocité d’intelligence et de coeur. Après cinq années de pourparlers et de tractations, elle épousa en 1786 Eric-Magnus, baron de Staël-Holstein, ambassadeur de Suède à Paris et qui avait 17 ans de plus qu’elle. Ce mariage sans amour ne fut pas heureux. Mme de Staël chercha des compensations dans la vie mondaine. Son salon fut l’un des plus recherchés de Paris. Au début de la Révolution, il fut le lieu de réunion du parti des Constitutionnels. Elle quitta Paris en septembre 1792 et se réfugia tout d’abord en Suisse puis passa en Angleterre. Elle connut alors Benjamin Constant qui racontera dans son roman Adolphe l’histoire de la passion qu’il lui porta.
Mme de Staël revint à Paris en 1795 et rouvrit son salon. Contrainte par le Directoire à quitter Paris, elle retournera à Coppet, en Suisse, sur les rives du lac Léman. C’est le début d’une persécution qui, avec des interruptions, durera 18 ans. Mme de Staël revint néanmoins à Paris en 1797 et y fit la connaissance de Bonaparte dans toute la gloire de la Campagne d’Italie qu’il venait de mener. Elle voulut le séduire et lui déplut. Survint le 18 brumaire (9 novembre 1799). Bonaparte plaça Benjamin Constant dans le Tribunat. Il y fut aussitôt du côté de l’opposition et en janvier 1800, il fit un discours pour dénoncer au monde « l’aurore de la tyrannie ». Son salon redevenant suspect, Mme de Staël dut se retirer à Coppet pour quelque temps.
Au mois de décembre 1802, elle publia Delphine qui eut un succès prodigieux. Le parti de l’opposition au Premier Consul se réclamait de Mme de Staël. Bonaparte a lu ce roman ou s’en est fait donner des extraits, ce qui l’a mis dans une colère affreuse. Immoral, antisocial, anticatholique, tel était aux yeux de Bonaparte le roman de Delphine, mais il avait encore deux autres torts fort graves, « impardonnables » : il louait les Anglais, il exaltait la liberté.
Mme de Staël quitta Coppet le 16 septembre 1803 ; Benjamin Constant la retrouva puis elle arriva à Maffliers le 23 septembre 1803 dans une maison que lui prêta son notaire parisien, Fourcault de Pavant. Mme de Staël trouva cette maison trop petite et trop humide à son goût et n’avait pas l’intention d’y rester longtemps. Elle écrivit au Premier Consul pour l’informer de son arrivée en lui promettant de rester sage et prudente. Elle écrira dans Dix années d’exil : « J’arrivai dans une petite campagne à dix lieues [1] de Paris, formant le projet de m’établir les hivers dans cette retraite, tant que durerait la tyrannie. Je ne voulais qu’y voir mes amis, et quelquefois aller au spectacle et au Musée ». Mme de Staël croyait que Mme de Genlis l’avait dénoncée à Bonaparte ; en fait, Mme de Genlis n’était pas encore devenue la correspondante de Napoléon. Dans Dix années d’exil, on peut ainsi lire que Mme de Genlis, jalouse du succès de Mme de Staël dit au Premier Consul que « les chemins étaient couverts de gens qui allaient lui faire visite ». Un rapport de police du 18 vendémiaire (11 octobre 1803) signala qu’il venait beaucoup de monde à Maffliers.
Benjamin Constant avait sa maison aux Herbages, dans le canton de Luzarches. D’autre part, Mme Récamier qui entretenait dans son salon une fronde discrète contre le Premier Consul avait quitté son château de Clichy pour s’installer à Saint-Brice, non loin de son amie.
Les nombreuses visites que recevait Mme de Staël, le voisinage de Benjamin Constant et de Mme Récamier, les courses secrètes à Paris, tout cet ensemble de faits rapportés par les espions de police fit croire à Bonaparte à une sorte de conspiration contre son pouvoir. Il fit donc écrire à Régnier, Ministre de la Justice, qu’il était informé que « Mme de Staël est arrivée à Maffliers, près Beaumont-sur-Oise » qu’il faut lui faire connaître « par le moyen d’un de ses habitués et sans causer d’éclat que si, le 15 vendémiaire, elle se trouve là, elle sera reconduite à la frontière par la gendarmerie ». Il ajouta que « l’arrivée de cette femme, comme celle d’un oiseau de mauvais augure a toujours été le signal de quelque trouble ».
La suite : lire Les séjours de Mme de Staël à Maffliers - 1803 (2ème partie).
Jean DESFORGES (desforges.jean@wanadoo.fr)
Quelques références
Paul Gautier, Madame de Staël et Napoléon, 3ème édition, Plon, Paris 1921,
Henri Guillemin, Madame de Staël, Benjamin Constant et Napoléon, Plon, Paris, 1959,
Ghislain de Diesbach, Madame de Staël, Perrin, 1983,
Gabriel de Broglie, Madame de Genlis, Perrin, 1989,
Correspondance de Napoléon 1er publiée par ordre de l’Empereur Napoléon III, Tome 9, Paris, Plon, 1862.
[1] Maffliers n’est en fait qu’à six lieues de Paris.
La maison où Mme de Staël a séjourné à Maffliers n’a pu être identifiée avec certitude ; il doit s’agir du 13 ou du 15, rue de la Mairie. La propriété du 15, rue de la Mairie s’appelait il n’y a pas si longtemps la Delphinière ; tirait-elle son nom du roman Delphine ?