Irène NEMIROVSKY à Paris, Issy-l’Evêque et ailleurs

Le jeudi 16 septembre 2010.

Irène Némirovsky et sa famille arrivent à Paris au printemps 1919 et s’installent dans les beaux quartiers, 115 rue de la Pompe. C’est pour cette jeune fille de 16 ans [1] à la fois une fuite (de la révolution bolchévique) et l’accomplissement d’un rêve : habiter la capitale mondiale de la culture et être publiée. Elle est davantage attirée par les jeunes Français que par les Juifs immigrés ou les exilés russes. La langue et la culture françaises la fascinent depuis que, dès ses premières années, elle a appris cette langue qu’elle parlait avec sa mère.

Irène s’inscrit à la Sorbonne et mène une vie frivole. La profession de banquier de M. Némirovsky permet à la famille de vivre dans l’aisance. Les vacances se déroulent à l’hôtel Negresco à Nice, au Touquet, dans la villa Ene Etchea à Hendaye-Plage ou au Grand Hôtel de Plombières. Les Némirovsky emménagent bientôt dans un bel appartement, 18 avenue du président Wilson.

Son futur mari vit 29 avenue Franklin Roosevelt. C’est son mariage avec le banquier Michel Epstein en 1926 qui met fin à la vie sentimentale assez agitée d’Irène. Les mariés s’installent 8 rue Daniel Lesueur. Irène peut enfin se consacrer entièrement à l’écriture. Elle publie quelques récits, mais c’est son roman David Golder qui, à l’automne 1929, lui ouvre la porte de la renommée. Le héros, juif ambitieux, ancien vendeur ambulant à New York, fait fortune à Paris en investissant dans le pétrole soviétique. La crise internationale vient d’éclater, et le public mord à l’histoire. Julien Duvivier l’adapte aussitôt au cinéma et David Golder est aussi joué au théâtre de la porte Saint-Martin. Némirovsky a voulu décrire de l’intérieur le milieu de la haute bourgeoisie juive et elle ne lui fait pas de cadeau. Aussi ambigus que son roman sont les rapports qu’Irène entretient dès lors avec la presse d’extrême droite qui voit dans David Golder la confirmation du mythe du juif errant, sans racine, âpre au gain.

Gringoire et Candide [2] vont publier par la suite un grand nombre de nouvelles et romans d’Irène. Plus tard dans les années trente, elle expliquera qu’elle aurait souhaité écrire différemment David Golder, étant donné l’antisémitisme qui s’est développé depuis en Europe.

En 1936, Irène et son mari emménagent avenue Constant-Coquelin. À la fin des années trente, elle est devenue avec Colette une des rares femmes auteurs qui vit de sa plume.

Entre 1940 et sa déportation, Irène vit à Issy-l’Evêque, petit village du Morvan. D’abord à l’hôtel des Voyageurs, puis, à partir de novembre 1941, dans une maison louée pour sa famille (aujourd’hui signalée par une plaque, place Irène Némirovsky). Elle est arrêtée le 13 juillet 1942 puis dirigée vers le camp de Pithiviers puis déportée à Auschwitz, où elle arrive le 19. Michel sera pris en octobre. Leurs deux filles, cachées, échapperont à la déportation.

En 2004, le prix Renaudot attribué à son roman inachevé Suite française remet au premier plan un écrivain qui avait disparu du devant de la scène depuis l’entre-deux-guerre.

Sources : Jonathan Weiss, Irène Némirovsky, Paris, Éditions du Félin, 2005.

[1] Irène est née à Kiev. Son grand-père habitait 9 rue Nikolaïveskaya, aujourd’hui 9 rue Goroditsky, et ses parents 11 rue Pouchkine. Lorsque les Juifs russes s’installaient à Paris après la Première guerre mondiale, ceux qui fuyaient le tsarisme préféraient la Rive gauche et les opposants au bolchévisme le quartier du Champ-de-Mars. Les Némirovsky sont non loin de là.

[2] Fondé en 1924 par Joseph Arthème Fayard qui créa également Je suis partout en 1930, journal qui vira vers l’extrême droite au milieu des années trente.



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