Honoré de BALZAC

et une rabouilleuse à Paris et à Issoudun
Le mardi 11 mai 2004.
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A l’angle de la rue de l’Avenier et de la rue Marmouse.

L’invention géniale de balzac, c’est la réapparition de ses personnages d’une oeuvre à l’autre. Ce procédé typique du roman populaire, avec un autre qui est le récit d’une famille à travers différentes époques [1] est un défi pour l’écrivain, défi qu’il relève avec panache même si l’on relève différentes erreurs, en particulier chronologiques, dans les vies de certains héros de La Comédie humaine.

C’est un défi aussi pour le lecteur, qui ne peut que se laisser prendre dans le jeu des passerelles biographiques entre les oeuvres, et se laisser néanmoins surprendre régulièrement par ces apparitions parfois inopinées de personnages.

Dans La Rabouilleuse, on éprouve ainsi le plaisir de voir apparaître (surtout à la fin du roman) un grand nombre de physionomies connues par ailleurs : la famille Bridaud occupe le haut du pavé, et l’on croise à ses côtés Rastignac, Desplein, Esther Gobseck, d’Arthez, Bianchon, Bixiou, maître Derville, Coralie, le baron de Nucingen, Michel Chrestien…

Le récit, quant à lui, se déroule à vive allure, même si l’on sent parfois des pertes de rythme.
Agathe Bridau et ses deux fils (Joseph le peintre et Philippe l’ex-soldat et futur parvenu, insensible et brutal) viennent à Issoudun tenter d’arracher Jean-Jacques Rouget, frère d’Agathe, à l’emprise de Flore Brazier et de son amant Maxence Gillet. Flore est la "rabouilleuse", celle qui chasse les écrevisses dans les rivières, la bonne à tout faire.

Les rebondissements imprévus ne cessent qu’à la dernière page. Du début à la fin, on a l’impression de voir des poissons nager dans un bocal. Certains jours, on en retrouve le ventre en l’air, morts, et souvent ceux qui paraissaient les plus forts.

On reconnaît plusieurs lieux de Paris et d’Issoudun.

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Le château de Frapesle.

Près du stade de Frapesle se trouve le beau château du même nom (que Balzac a emprunté pour Le Lys dans la vallée). L’écrivain se rend ici chez ses amis Carraud en avril 1834, août 1835 et février-mars 1838, en profitant pour repérer le cadre du roman.

La longue allée de peupliers qui conduisent au château est l’endroit où Jean-Jacques Rouget rencontre Flore pour la première fois, avant de l’"acheter" à sa famille. C’est aussi l’endroit où Maxence Gilet et ses amis affrontent en duel des officiers royalistes qui les avaient insultés au Café militaire.

Le parking du boulevard de Stalingrad est l’ancienne place Misère, où débarquent la première fois Agathe et Joseph.

Non loin s’étalait un petit quartier pauvre et maudit, témoin la rue de l’Abreuvoir qui se nommait à l’époque la rue du Bourriau car le bourreau de Chateaudun y demeurait.
Aujourd’hui, la rue du Puits-à-Cognet garde le souvenir du père et de la mère Cognet qui, dans La Rabouilleuse, tiennent une auberge (sans doute à peu près à l’emplacement de l’actuel hôtel de la Cognette) qui sert de quartier général aux Chevaliers de la Désoeuvrance au milieu de leurs expéditions nocturnes entre 1817 et 1822.

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La place du 10 juin 1944.

Le boulevard Max Dormoy était le boulevard Baron, où plusieurs personnages du roman vont se promener.

La place du 10 juin 1944 était la place d’Armes, dans un coin de laquelle, fiché dans le rempart, existait réellement le Café militaire dans lequel se retrouvent les nostalgiques de l’Empire, en particulier, à partir de 1816, pour fêter l’anniversaire du couronnement de l’Empereur.

La Tour blanche, que l’on ne peut pas rater, est le décor de la grosse blague que les Chevaliers de la Désoeuvrance jouent au marchand Fario. Debout depuis 800 ans, elle a vu s’affronter les troupes de Richard Coeur de Lion et celles de Philippe Auguste

Au centre du roman se trouvent les rues de la Grande et de la Petite Narrette, ou plus précisément la place Saint-Jean. Ici, la maison de Monsieur Hochon fait face à celle de Jean-Jacques Rouget. La tradition situe l’une des deux à l’emplacement de la Sous-préfecture, occupé auparavant par une maison dont des cousins des Carraud étaient propriétaires. Le n°6 donne une meilleure idée de ce à quoi pouvaient ressembler les deux maisons.

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Le 6 place Saint-Jean.

La rue de l’Avenier toute proche accueille Philippe Bridau lorsqu’il parvient à se faire assigner à résidence à Issoudun, en novembre 1822.

C’est au coin de la rue de l’Avenier et de la Grand’rue (aujourd’hui rue de la République) que Max, à quatre heures du matin quelque temps auparavant, se fait blesser par le couteau vengeur de Fario, dont Max et ses Chevaliers de la Désespérance ont monté la charrette au sommet de la Tour blanche.
Au 30 rue de la République demeurait Auguste Borget, peintre et ami de Balzac.

A Paris, où l’action commence et finit, les lieux du roman sont les suivants :
- De 1804 à 1808, la famille Bridau vit dans un bel appartement quai Voltaire,
- après le décès du père, Agathe et ses deux fils emménagent dans un petit appartement rue Mazarine, en face des bâtiments de l’Institut,
- Mariette, liée un moment à Philippe Bridau, débute au théâtre de la Porte Saint-Martin. Elle habite quelque part rue Vieille du temple avec son frère Godeschal, futur successeur de l’avoué Derville,
- le Rocher de Cancale, qui existe toujours rue Montorgueil, reçoit la visite de Philippe et de ses invités,

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La Tour Blanche.

- rue du Sentier est logé le Petit Journal, la gazette de Finot,
- Agathe et sa tante Descoings assistent à la messe de Noël 1821 à l’église de Saint-Germain-des-Prés, quelque heures avant que la tante ne soit foudroyée par une attaque causée par la sortie de son numéro à la loterie… la seule fois depuis des années où, parce que Philippe lui a dérobé sa mise, elle n’avait pas parié,
- en 1822, pour soulager sa mère, Joseph et elle prennent l’habitude de dîner dans une table d’hôte rue de Beaune,
- la comédienne Florentine loge Philippe chez elle, rue de Vendôme (devenue rue Béranger),
- l’avocat Desroches a son cabinet rue de Buci,
-  Philippe loge Flore, devenue sa femme, dans un appartement rue Saint-Georges,
-  En 1828, Agathe parviendra à obtenir un bureau de loterie rue Seine, dans une maison où Joseph installera son nouvel atelier,
-  rue de Clichy se trouve le superbe hôtel de Brambourg, propriété acquise en grand secret par Philippe Bridau devenu comte de Brambourg,
-  jusqu’à sa déchéance et sa mort rapides, Flore survit dans une mansarde rue du Houssay (devenue la partie de la rue Taitbout située entre la rue de Provence et la rue des Victoires), au coin de la rue Chantereine.


On peut visiter Issoudun à l’aide d’un audioguide fourni gratuitement par l’Office du Tourisme (tél. 02 54 21 74 02)… pendant les heures d’ouverture de l’Office. Sinon… rien, aucun panonceau, aucune indication…

Biblio :
La Rabouilleuse, Balzac, Garnier-Flammarion n°821,
Guide Balzac, Philippe Bruneau, éditions Hazan.

[1] Zola reprendra ces procédés dans ses Rougon-Macquart, ainsi que Jules Romains dans ses Hommes de bonne volonté, Martin du Gard dans ses Thibault, etc.



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