Alfred de MUSSET à Paris, Mazangé et ailleurs

Le samedi 4 décembre 2010.

Génie précoce au coeur malade (il souffre d’une insuffisance aortique [1]), membre d’une "jeunesse soucieuse" assise sur "un monde en ruines" [2], il s’est déjà fait à 20 ans une réputation de grand poète et de débauché - mais surpasse-t-il sur ce dernier point un Hugo, par exemple, qui sait être plus discret ? Plus tard, l’alcool viendra complèter le tableau. Il meurt à 46 ans.

Joyau du Romantisme comme ses compères Hugo, Vigny, etc. également "jeunes soucieux assis sur un monde en ruine", il est l’auteur d’oeuvres magnifiques, dont Lorenzaccio, On ne badine pas avec l’amour et Confession d’un enfant du siècle, tous trois inspirés par sa relation avec George Sand, dont il se sépare en mars 1835 après ne s’être entendu avec elle que quelques semaines.

Il finit sa vie dans la fonction publique (bibliothécaire dans des ministères) et sous les honneurs : Légion d’honneur et Académie française.

Parcourons quelques lieux de sa vie.

- Alfred naît en 1810 au 33 rue des Noyers d’un père fonctionnaire et spécialiste de Rousseau (qu’Alfred admirera bientôt, à l’inverse de Voltaire),
- ses parents emménagent en 1812 27 rue Cassette,
- brillant élève, Alfred rentre au collège Henri IV (23 rue Clovis) à neuf ans,
- ses parents déménagent en 1824 au premier étage au fond de la cour du 59 rue de Grenelle. C’est ici que M. Musset meurt du choléra en avril 1832 et qu’Alfred décide alors de se lancer définitivement dans les lettres. C’est là aussi que George Sand vient "ravir" [3] le poète à sa famille fin 1833 pour l’emmener à Venise. Elle habite entre fin 1832 et 1836 19 quai Malaquais, dans sa "mansarde bleue" sous les toits (3ème étage sur cour), et Musset l’y rejoint souvent,
- la famille Musset s’installe 25 quai Voltaire fin 1839,
- lorsque sa mère quitte Paris pour Angers, Alfred emménage en 1850 11 rue Rumfort (rue supprimée en 1854 lors du percement du boulevard Malesherbes),
- il vit 6 rue du Mont Thabor, entre 1852 et sa mort en 1857.

Voici d’autres lieux parisiens, où Musset retrouve ses amis :
- lorsqu’il a 19 ans, il fréquente le cénacle de Charles Nodier à la bibliothèque de l’Arsenal, 3 rue de Sully. Il sympathise avec Vigny et Sainte-Beuve mais n’idolâtre pas Hugo,
- 35 (ex 11) rue Notre-Dame des Champs, au cénacle romantique chez les Hugo, jusqu’à 1830,
- 10 rue de la Grange Batelière, où, à l’Hôtel de Novilos, se réunit un petit cénacle romantique chez Alfred Tattet au début des années 1830,
- 10 rue des Beaux-Arts, où siège la Revue des Deux Mondes entre 1834 et 1845 (elle emménagera ensuite 20 rue St Benoît). Elle y tient aussi salon. Lors d’un dîner organisé en juin 1833 par François Buloz, directeur de la revue (sans doute au restaurant Lointier, 104 rue de Richelieu, bien que Paul de Musset dise qu’il s’agit des "Trois frères provençaux", 88 Galerie de Beaujolais), Musset et Sand se rencontrent. Les deux amants s’envolent pour un voyage à Venise fin 1833-début 1834, qui met un terme à leurs amours.
- 21-23 rue Laffitte, à l’Hôtel de France, au salon fréquenté par Sand, Musset et Liszt (c’est là que Chopin, présenté par Liszt, fait la connaissance de George Sand),
- 22 boulevard des Italiens, au Café Tortoni ; au Café de Paris, 24 boulevard des Italiens,
- 8 place de la Sorbonne, au restaurant Flicoteaux, où Musset emmène dîner les héros de son conte "Mimi Pinson",
- 3 rue Le Peletier, au café "le Divan Le Peletier",
- 11 rue St Georges, chez Émile de Girardin et sa femme Delphine Gay,
- 7 rue Récamier, à l’Abbaye aux Bois, dans l’appartement de Julie Récamier,
- 21 rue de Sèvres, chez la poétesse Louise Colet, maîtresse de Musset en 1852.

Voici quelques lieux en province, où Musset s’est rendu :
- au manoir de Bonaventure, propriété de la famille Musset entre 1537 et 1847. Alfred vient enfant y passer ses vacances,
- à 40 km de Bonaventure, les Musset achètent le château de Cogners près d’Orléans, où Alfred vient en 1822, 1824 et 1827,
- au château de Lorey, près de Pacy-sur-Eure,
- à Fougeres, chez son oncle Guyot-Desherbiers en 1819, 36 rue Nationale
- à la préfecture du Mans, chez ce même oncle, alors secrétaire général de la Préfecture, en 1826, 1827 et 1829,
- en septembre 1829, au château de Chardonneux à Saint Biez en Belin, près du Mans,
- en 1829, chez Ulrich Guttinguer dans son chalet de Fontaine-Virginie à St-Gatien-des-Bois près de Honfleur,
- au château de Berryer à Augerville dans le Loiret, propriété de Berryer, avocat et député légitimiste. Ses hôtes se nomment Chateaubriand, Rossini, Liszt, Dumas fils, Delacroix… et Musset, que Berryer invite souvent pour essayer de le détourner des cafés parisiens. Ce château est aujourd’hui un hôtel de luxe.

Sources :
- article "Les demeures d’Alfred de Musset", dans les Cahiers Alfred de Musset, 1934, republiés par Slatkine en 1972 et téléchargeables sur le site Gallica,
- George Sand et ses amis, par Albert le Roy,
- le site Paris révolutionnaire de Philippe Boisseau.

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Une Histoire d’amour : Sand et Musset, par Paul Marieton.

[1] Le poète donnera son nom au "signe de Musset et Delpeuch" qui se caractérise par des secousses de la tête rythmées par les battements du coeur et apparaissent lorsque l’on souffre d’insuffisance aortique. Musset aurait été le premier à remarquer ce signe chez lui même.

[2] « Pendant les guerres de l’Empire, tandis que les maris et les frères étaient en Allemagne, les mères inquiètes avaient mis au monde une génération ardente, pâle, nerveuse. Conçus entre deux batailles, élevés dans les collèges aux roulements de tambours, des milliers d’enfants se regardaient entre eux d’un œil sombre, en essayant leurs muscles chétifs. De temps en temps leurs pères ensanglantés apparaissaient, les soulevaient sur leurs poitrines chamarrées d’or, puis les posaient à terre et remontaient à cheval. […]
Alors s’assit sur un monde en ruines une jeunesse soucieuse. Tous ces enfants étaient des gouttes d’un sang brûlant qui avait inondé la terre ; ils étaient nés au sein de la guerre, pour la guerre. […]
Un sentiment de malaise inexprimable commença alors à fermenter dans tous les cœurs jeunes. Condamnés au repos par les souverains du monde, livrés aux cuistres de toute espèce, à l’oisiveté et à l’ennui, les jeunes gens voyaient se retirer d’eux les vagues écumantes contre lesquelles ils avaient préparé leurs bras. Tous ces gladiateurs frottés d’huile se sentaient au fond de l’âme une misère insupportable. Les plus riches se firent libertins ; ceux d’une fortune médiocre prirent un état et se résignèrent soit à la robe, soit à l’épée ; les plus pauvres se jetèrent dans l’enthousiasme à froid, dans les grands mots, dans l’affreuse mer de l’action sans but. » (Musset, Confession d’un enfant du siècle).

[3] Selon les termes de la famille Musset.



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