Au Maine-Giraud et à Angoulême.

Le samedi 13 mars 2004.
"Je suis chez moi avec Mme de Vigny, dans un vieux manoir, au milieu des roches et des bois. J'y rêve et j'y écris même quelque chose de mes rêves."

"[...] le comte de Vigny, aussi amidonné et hautain qu'à l'ordinaire [...] n'a pas voulu passer, malgré ses désillusions, pour un déserteur de l'armée hugolienne. Le futur auteur de Servitude et grandeur militaires ne s'est pas trompé sur le caractère de l'événement : "Pour moi, je veux être aussi exact à mon poste d'ami que je le fus... Que dis-je ? Cent fois plus exact que je le fus à mon ridicule et ennuyeux poste de capitaine en temps de paix. [...] Ce sera temps de guerre jeudi soir.""
Le pays de la littérature. Pierre Lepape.

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Le manoir du Maine-Giraud derrière ses vignes.

La présence de Vigny hante encore les belles terres du Maine-Giraud et les vallons des environs. Le caractère isolé du domaine - entouré alors de forêts qui ont disparu pour une grande partie - rend bien compte de la solitude que vient y rechercher le poète à partir de 1838, solitude qu’il renforce encore en montant méditer et écrire dans sa chambre-cellule, en haut de la petite tour du manoir.

L’image de Vigny que donne Pierre Lepape ci-dessus (à l’occasion de la première soirée de représentation d’Hernani, le 25 février 1830) montre combien, dans la troupe des auteurs romantiques, le poète détonne par sa raideur sombre, sa fierté de noble pauvre. Lamartine est également un noble, mais un peu moins pauvre et un peu moins fier [1].

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Vue de la "tour d’ivoire".

Vigny aurait voulu être leader poétique ou politique [2], il sera suiveur d’Hugo et de Lamartine, acceptant son sort avec stoïcisme… et un flegme tout britannique emprunté à sa femme (depuis 1825) Lydia [3]. Il connaît quelques beaux succès littéraires (Cinq Mars, roman historique, en 1827 - année où il quitte l’armée -, Chatterton, joué en 1835…), mais est déçu que ses poèmes, publiés à partir de 1822, ne rencontrent pas la même faveur du public.

Le Maine-Giraud est donc une terre de retraite, pas un lieu de rencontres et de réceptions comme le sont d’autres maisons d’écrivains. Une terre de production, également : de poèmes (il compose en partie, dans sa "tour d’ivoire", La Mort du loup, La Maison du berger, La Bouteille à la mer…) et de cognac, Vigny installant ici une distillerie qui alimentera la maison Hennessy (manoir et distillerie du Maine-Giraud : 0545640449 ou maine.giraud@wanadoo.fr).

A Blanzac, on peut encore voir rue de la Voûte la grande tour de l’hôtel Monte-Christo, où Vigny venait négocier la vente de son vin.

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La tour de l’hôtel Monte-Christo à Blanzac.

Voir aussi Alfred de VIGNY au Maine-Giraud.


Un peu plus loin et un plus proche de notre époque, Pierre Véry est né en 1900 à Bellon. Il est l’auteur de plus de Goupi Mains Rouges, Les Disparus de Saint-Agil, etc.

Enfin, à Angoulême ont vécu Guez de Balzac (né place des Halles et mort 3 rue des Arceaux, en 1650) et les frères Jérôme et Jean Tharaud, prix Goncourt 1906 pour Dingley, l’illustre écrivain, critique de Kipling et de l’impérialisme anglais (qui habitèrent à la "Rampe du secours" et étudièrent au lycée de la ville).

Une plaque devant le Palais de justice garde la mémoire des uns et des autres, sans oublier Honoré de Balzac qui fait vivre ici quelques-uns de ses plus importants personnages (voir Honoré de BALZAC).

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Les toits de Blanzac.
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L’intérieur de la minuscule pièce de la "tour d’ivoire".
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Le palais de justice d’Angoulême.

[1] Vigny qualifiait le manoir du Maine-Giraud - un "logis", selon la dénomination charentaise, du XVe siècle - de "château féodal" et le considérait comme une propriété très ancienne de sa famille, alors que son grand-père maternel ne l’acquit qu’en 1768. La tour carrée date du XVIIe siècle

[2] Il applaudit successivement à la révolution de 1848 - mais échoue en 1848 et 1849 aux élections législatives en Charente - et à l’avènement du Second Empire.

[3] Celle-ci, malgré les espoirs de son mari, ne lui apporte ni véritable amour, ni enfants - elle est victime de deux fausses couches -, ni richesse (il passe sa vie à la soigner).



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