Simone WEIL

à Paris, au Puy, à Roanne, Vichy…
Le mercredi 30 juin 2004.

"Un écrivain politique est un écrivain qui a le plus grand souci du mot juste, se méfie des grands effets et ne se prend ni pour un héros ni pour un prophète. Il s’assigne des buts modestes et inaccessibles, tels que montrer le monde tel qu’il est et se donner une langue précise et claire […] Et cela en s’en tenant au nécessaire, sans aucune concession au lyrisme ni à la métaphysique – ce dont on déduira qu’Orwell est un anti-Malraux", écrit Philippe Dagen dans Le Monde des livres du 4 juillet 2003. Et l’on pourrait aussi en déduire que Simone Weil est une anti-intellectuels de son époque. Au lyrisme, au tragique et à la métaphysique, elle préfère l’humilité et la quête. La sienne sera philosophique, historique, mystique et physique, comme lorsqu’en 1934-35 elle travaille à la chaîne chez Alsthom et Renault.
Alors, Simone Weil écrivain politique ? Plus que cela lorsque l’objectif est de trouver une solution au malheur humain.

Une plaque 3 rue Auguste-Comte à Paris garde son souvenir. Cette adresse est celle de ses parents et son port d’attache entre 1929 et 1940. C’est aussi là que Trotski, lecteur des écrits politiques de Simone, se rend pour deux jours chez ses parents le 30 décembre 1933 pour y rencontrer incognito, dans une chambre au 7e étage, des responsables d’organisations révolutionnaires qu’il ne peut rencontrer dans sa retraite officielle de Barbizon. Simone et lui en profitent pour s’affronter sur des questions politiques [1].


Simone naît en 1909 19 boulevard de Strasbourg à Paris. En 1913, les Weil se transportent 37 boulevard Saint-Michel.
Simone est élève au lycée Victor Duruy puis au lycée Henri IV, en classe de khâgne. Elle a comme professeur le philosophe Alain et est reçue à l’Ecole normale en 1928.

Elle est nommée professeur de philosophie au Puy en 1931 et adhère à la Confédération générale du travail unifiée (CGTU, communiste, qui se fond en 1936 dans la CGT socialiste). Elle collabore entre 1932 et 1937 à Révolution prolétarienne, revue révolutionnaire mais non communiste et, entre 1932 et 1934, à la trotskiste Critique sociale de Boris Souvarine, dont elle fait la connaissance en 1932.
Ses sympathies de gauche sont sans doute une menace pour ses élèves, puisqu’elle est mutée à Auxerre, puis à Roanne en octobre 1933, où elle emménage au 4e étage d’un immeuble rue Gambetta. Parfois, elle donne ses cours à l’ombre du cèdre de la cour du lycée.
Entre temps, elle séjourne en Allemagne pendant l’été 1932. Son analyse de l’histoire des révolutions de 1789, 1871 et 1917, de la situation en Allemagne en 1933 où elle constate la passivité des communistes, la conduit à dénoncer le régime soviétique, devenu bureaucratique, policier et traître à la révolution.

A partir de 1933, elle pousse ses parents à héberger rue Auguste-Comte des réfugiés allemands. En 1934, elle quitte l’enseignement pour devenir ouvrière à la chaîne chez Alsthom puis chez Renault. Elle vit alors dans une chambre 228 rue Lecourbe.

Pacifiste convaincue lorsque la guerre d’Espagne se déclare en juillet 1936, elle ne peut cependant pas résister à franchir la frontière en août avec une carte de presse en poche. Elle partage pendant quelques semaines le quotidien des brigades internationales mais est rapatriée en septembre, après un accident.
Malgré le Front populaire, l’opinion française, manipulée par les médias et l’Eglise, ne souhaite pas un engagement aux côtés des républicains espagnols. Les écrits de Mauriac, Bernanos et Weil tentent de la convaincre du contraire. Mais, pour ne pas risquer l’extension du conflit, Léon Blum décide en août que la France n’interviendra pas.

Simone Weil renonce au pacifisme lorsque Hitler envahit la Tchécoslovaquie en 1938. La pensée que le régime nazi ne durerait pas l’a quittée. Les communistes ne deviennent pas pour autant à ses yeux le seul espoir, mais des ennemis à combattre en tant qu’oppresseurs du prolétariat [2].
A cette époque, elle se convertit au catholicisme.

En juin 1940, un mois après l’attaque allemande par les Ardennes, c’est l’exode. Les Weil passent par Nevers, Vichy (3 rue du Bourbonnais) et arrivent à Marseille en septembre, où ils s’établissent 8 rue des Catalans. En mai 1942, après plusieurs tentatives infructueuses, ils embarquent pour les Etats-Unis. Puis en novembre 1942, Simone rejoint Londres avec le rêve de créer un corps d’infirmières pouvant aller au front. Elle est engagée à la direction de l’Intérieur des services de la France libre.
Elle meurt d’épuisement et de tuberculose quelques semaines plus tard, dans un sanatorium à Ashford, dans le Kent.

[1] Voir Libertad, de Dan Franck, page 363.

[2] Si la stratégie politique n’est pas toujours absente de sa pensée, elle sait l’abandonner plus tôt qu’un Gide ou qu’un Malraux au profit de la réalité.



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