Le cabaret du Père Lunette

Le mannezingue de la rue des Anglais.
Le dimanche 15 janvier 2006.
Un logis de nuit "à la corde".

4 rue des Anglais

Par Bernard Vassor

Comme au Château Rouge, il faut payer ses consommations à l’avance, et comme le Château Rouge, le cabaret du Père Lunette fut fermé par décision préfectorale en juillet 1886.

Cet établissement avait été fondé en 1856 par un certain Lefèvre. Il avait une énorme paire de lunettes cerclées de cuivre qu’il portait sur le front.

C’est en raison de cette manie qu’il avait été surnommé le Père Lunette, fort de ce sobriquet, il a fait peindre sur sa boutique une énorme paire de bésicles, puis en avait fait faire une enseigne.

L’ancien Préfet de police Gustave Macé, dans ses souvenirs décrit l’assommoir de l’ancienne rue des Anglaises [1], aujourd’hui rue des Anglais ( ?). Cette voie devait son nom à l’établissement de Bénédictines anglaises qui s’étaient installées là en 1677 dans la maison dont le numéro conventuel était le 28 [2].

Charles Virmaitre en fait la description suivante : «  En pénétrant à l’intérieur il faillit se trouver indisposé, ses poumons se remplissant de l’atmosphère viciée et chaude qui régnait à l’intérieur de l’établissement. Un comptoir en zinc derrière lequel trônent le débitant et sa femme, occupe, presque dans toute sa longueur, le côté droit de la pièce d’entrée. Dans l’étroit couloir, séparant ce comptoir du mur lui faisant face, se presse une foule avinée, buvant debout, criant gesticulant.
Derrière, on voit, sur un banc scellé dans le mur au dessous d’une rangée de cinq barils, cinq ou six vieilles femmes en haillons, sales, dépoitraillées, les unes assises, branlant la tête avec la cadence automatique particulière aux ivrognes, les autres couchées ivres-mortes, presque toutes ronflant à l’unisson »
.

La salle du fond était on ne sait trop pourquoi baptisée « le Sénat »… C’était la salle où avait se tenait le spectacle pour mériter le nom de cabaret. Les murs étaient ornés de gravures obscènes ou politiques.

Un violoniste accompagnait un chanteur dont le répertoire débutait toujours par

La chanson du Père Lunette :
« Oui quelques joyeux garnements
Battent la dèche par moment
Chose bien faite !
J’ai dans mes jours de pauvreté,
J’ai dit-on, beaucoup fréquenté
Père Lunette »

On ne servait que très peu de vin, à peine six ou sept barriques par mois. La consommation principale était une méchante eau-de-vie « maison » qui méritait bien le surnom de tord boyau à 3 pétards le verre (15 centimes).


Sources :
Les mêmes que pour Le Château-Rouge,
Et : Charles Virmaitre : Paris Escarpe.

[1] Attention : Lazare situe cette rue des Anglaises entre la rue de Lourcine n°101 et 103, et la rue du Petit-Champ arrondissement de Saint Marcel ? A suivre… !

[2] La rue ne figure pas dans « l’abbé Lebeuf » : Histoire du diocèse… Un des articles du statut des religieuses ordonnait de prier pour le rétablissement de la religion catholique en Angleterre. La propriété ayant une superficie de 1790 mètres carrés fut vendue au profit de l’Etat en l’an VII.



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