Le Paris du XVIIe siècle

Le Marais littéraire
Le samedi 15 novembre 2003.

Lorsque l’on s’intéresse au Paris littéraire du XVIIe siècle, il est difficile d’éviter madame de Sévigné et le Marais, quartier miraculeusement épargné par trois siècles et demi de travaux d’aménagements de la capitale.

1) Dans les années 1660, dans son hôtel devenu aujourd’hui la Bibliothèque Historique de la Ville de Paris, 24 rue Pavée, Guillaume de Lamoignon, premier président du Parlement de Paris, réunit le lundi les grands de son temps : Racine, Boileau, La Rochefoucauld…

2) En 1662-64, Corneille est logé chez le duc de Guise dans son hôtel 58 rue des Archives. Une grande partie de l’hôtel laissera ensuite place au bel hôtel de Soubise, qui abrite maintenant les Archives Nationales.

3) Mlle de Scudéry vient en 1670 habiter à l’angle de la rue des Oiseaux et de la rue de Beauce. Elle décède ici en 1701, après y avoir reçu prudes, précieuses et précieux dans son célèbre salon dont Molière donnera quelques aperçus dans ses Précieuses ridicules. Elle est l’une des fortes personnalités féminines qui ont su s’imposer au XVIIe siècle. Longtemps ridiculisée par des milieux littéraires très masculins, elle est actuellement réhabilitée comme femme et comme romancière. Il semble que dans ses Précieuses, Molière ait moins visé le salon de Mlle de Scudéry que les bourgeoises qui cherchaient à l’imiter.
Un autre salon « précieux » était, entre 1620 et 1650, celui de la marquise de Rambouillet, dans son hôtel détruit en 1848, situé jusqu’alors rue Saint-Thomas du Louvre à peu près sous l’actuelle pyramide de Peï dans la cour Napoléon du musée du Louvre (la rue Saint-Thomas du Louvre prolongeait à l’époque la rue de Valois en direction de la Seine).

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11 rue des Lions Saint-Paul.

4) Robert Challe naît en 1659 et passe sa jeunesse 54 rue de Saintonge, dans une maison qui, bien que transformée, existe encore. « Tête chaude », aventurier, soldat, écrivain-voyageur, philosophe… sa vie, peu connue, est un vrai roman. Voltaire, Diderot et d’autres pilleront son œuvre sans jamais le citer, car il écrivait mal à leurs yeux.

5) Blaise Pascal habite 13 rue de Saintonge en 1648-51 et mène là ses recherches sur le vide (ses Provinciales paraîtront en 1656-57 ; ses Pensées seront pour 1670, huit ans après sa mort).

6) En face du musée Picasso, le 8 rue de Thorigny est l’adresse de madame de Sévigné entre 1669 et 1671 (la maison a ensuite brûlé et celle que l’on voit aujourd’hui est plus récente).

7) Au 6 rue de la Perle (que l’on a du mal à situer aujourd’hui), le jeune Jean-Baptiste Poquelin-encore-étudiant-pas-encore-Molière fréquente les Béjart, famille de comédiens. En 1642, il habite la rue de Thorigny.

8) Faisons une petite échappée vers l’Ouest, jusqu’au 79 rue du Temple et au bel hôtel de Montmort (plaque). Les cours intérieures valent le coup d’œil ! Louis de Montmort reçoit ici savants et écrivains : Gassendi, Roberval, Huyghens, Chapelain, Ménage, Molière (qui y fait lecture de Tartuffe).

9) Madame de Sévigné loue une maison existant encore 14 rue Elzévir (alors rue des Trois Pavillons) entre mai 1672 et 1677. Au n°16, Ninon de Lenclos demeure vers 1640 avec sa mère.

10) Madame de Sévigné vit à partir de 1637 des années heureuses au milieu d’oncles et de tantes, dans une dépendance de l’Hôtel de Coulanges qui a été bien transformée depuis, 35-37 rue des Francs-Bourgeois.

11) Elle demeure 23 rue de Sévigné, dans l’Hôtel Carnavalet, entre 1677 et 1696 (lorsqu’elle n’est pas chez sa fille à Grignan).

12) Elle emménage chez ses cousins Coulanges 8 rue du Parc-Royal entre fin 1671 et mai 1672, la variole menaçant rue de Thorigny ; l’hôtel date de 1660 et a été refait depuis. Il abrite un institut allemand.

13) La maison de l’angle de la rue de Turenne (n°56) et de la rue de Villehardouin (n°15), serait celle qu’a occupée, de 1654 à sa mort en 1660, Scarron, ainsi que sa femme Françoise d’Aubigné, future madame de Maintenon et future préceptrice des enfants de Louis XIV (en 1741, Crébillon père, auteur de tragédies très sanguinolentes, s’y installe).

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1 bis place Royale

14) Madame de Sévigné naît en 1626 dans l’Hôtel de Coulanges, construit par son grand-père 1 bis place Royale (maintenant des Vosges). C’est grâce à Henri IV qu’entre 1605 et 1612 cette magnifique place succède à un marché aux chevaux et donne enfin à Paris un digne lieu de promenades et de fêtes. Le roi avait d’autres projets dans le quartier (en 1606, il avait vu l’achèvement de la construction du Pont-Neuf, premier pont parisien sans maison - pour mieux voir la Seine et ses berges). Mais son assassinat en 1610 met malheureusement un terme à ses projets.

15) Au 17 place des Vosges, Bossuet vit en 1678-82.

16) Ninon de Lenclos habite 36 rue des Tournelles et y reçoit son monde à partir de 1657. La façade sur rue ne vaut pas le détour. Rendez-vous plutôt derrière, au 23 boulevard de Beaumarchais, pour l’apercevoir depuis la cour.

17) Le cabaret de la Fosse-aux-Lions, où se retrouvaient Voiture, Tallemant des Réaux, Saint-Amant et d’autres joyeux drilles, était situé 3 rue du Pas-de-la-Mule.

18) Madame de Sévigné réside 11 rue des Lions Saint-Paul de 1645 à 1650. Sa fille, madame de Grignan, naît dans cette maison.

19) Juste avant d’arriver aux deux dernières étapes, notons une plaque apposée au coin du quai des Célestins et de la rue des Jardins Saint-Paul, qui indique que Rabelais meurt dans cette rue en 1553 (la plaque figure au n°2, mais la maison en question se trouvait peut-être à l’emplacement du n°8).

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36 rue des Tournelles.

20) Au 6 rue des Jardins Saint-Paul (difficile à situer aujourd’hui) se trouverait l’emplacement de la maison occupée par Molière en 1645, alors que sa troupe s’installe à la dernière étape de notre parcours.

21) 32 quai des Célestins : c’est ici que Molière et sa troupe jouent en 1644-45 dans la salle du jeu de paume de la Croix-Noire, détruit en 1728. Les dettes du jeu de paume des Métayers les poursuivant et la situation ne s’améliorant guère, ils quittent ensuite la capitale pour ne revenir s’y établir que douze ans plus tard, cette fois auréolés de gloire après de multiples tournées en province.



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