Balade littéraire avec Proust à Paris (4)

De la place Vendôme à la mairie du Xe arrondissement
Le mardi 14 août 2007.

Départ : métro Concorde, Opéra ou Madeleine. Arrivée : métro Château d’Eau. Durée de la balade : 2 heures.

Cet itinéraire peut être suivi en prolongement de celui décrit dans Balade littéraire avec Proust à Paris (3).

1) L’hôtel Ritz trône toujours place Vendôme comme dans la vie de Proust et dans la Recherche. Depuis la mort de ses parents et son emménagement boulevard Haussmann, c’est là qu’il aime inviter ses amis, et en particulier ses amies qu’il n’ose recevoir dans sa chambre parfumée par les odeurs de fumigations. Le premier dîner qu’il y organise a lieu en juillet 1907, en l’honneur de Gaston Calmette, le directeur du Figaro.
Après la guerre, il fait souvent chercher au Ritz des glaces à la framboise ou à la fraise. Il y dîne en 1917 une à deux fois par semaine. L’arrivée de Céleste Albaret en 1914 le pousse à fréquenter davantage le Ritz : Céleste n’aime pas cuisiner.
Le 18 mai 1922, Proust assiste au Ritz à un souper en l’honneur de Stravinsky, auquel participent également Picasso, Joyce, Diaghilev. On peut encore admirer au n° 28 de la place les vitrines de Charvet et, au n° 26, celles de Boucheron chez qui Robert de Saint-Loup va chercher un collier pour sa maîtresse Rachel, une prostituée qu’il croit pure. Mais d’autres ont disparu depuis : les couturiers Raudnitz et Cheruit au n° 21 de la place, Doucet 21 rue de la Paix, Paquin, installé 3 rue de la Paix vers 1900 puis place Vendôme.

La composition chez Proust n’est jamais linéaire. Il ne suit pas une intrigue jusqu’à son dénouement. La substance de son roman, c’est lui-même ; c’est son univers tel qu’il lui apparaît aux moments privilégiés où il prend conscience de ce qu’il y a dans son âme de permanent et d’« irréductiblement individuel ». À la faveur du hasard, sa mémoire involontaire ressuscite en lui des émotions, des impressions que son art fixe aussitôt, toutes vives. Pierre Clarac. Préface de Jean Santeuil. Quarto Gallimard.

2) Le magasin Old England existe toujours 12 boulevard des Capucines. Proust y achète ses chaussures.

3) Au Café de la Paix, 5 place de l’Opéra, on retrouve Robert de Saint-Loup qui dîne avec le prince d’Orléans. Saint-Loup, neveu du baron de Charlus et marquis lui-même, affiche des idées républicaines, socialistes et dreyfusardes. Ami du narrateur, il épouse Gilberte Swann avant de mourir à la guerre.

4) Au passage, signalons la présence dans le roman du confiseur Boissier, 7 boulevard des Capucines.

5) Troublé par son asthme qui provoque le redoublement de sa seconde, Proust est élève au lycée Condorcet (8 rue du Havre) entre 1882 et 1889. Il parvient malgré tout à y faire de bonnes études. Ses amis lycéens sont Robert de Flers, Fernand Gregh, Jacques Bizet, Robert Dreyfus, Daniel Halévy, cousin de Jacques, Gabriel Trarieux… Tous sont férus de littérature. Marcel collabore à dix-sept ans à La Revue verte puis à La Revue lilas. Jacques est le fils de Georges Bizet et de Geneviève (sœur de Ludovic), qui, après un long deuil, se remarie avec Émile Straus. Mme Proust finit par interdire à Marcel de voir Jacques. Les deux garçons sont très proches. Jacques est doué intellectuellement. Mais, pris par l’alcool et la drogue, il finira par se suicider.

6) Au 80 rue Saint-Lazare se trouvait le cabinet de lecture de M. Delorme fréquenté par Jeanne Proust, grande lectrice.

7) Adrien Proust habite 35 rue Joubert avant son mariage.

Si j’étais riche, je ne chercherais pas à acheter des chefs-d’œuvre que je laisserais aux musées mais de ces tableaux qui gardent l’odeur d’une ville ou l’humidité d’une église et qui comme des bibelots contiennent autant de rêve par associations d’idées qu’en eux-mêmes. Lettre de Proust à une amie de sa mère, 1906.

8) Le Café Anglais a disparu du 13 boulevard des Italiens en 1913, de même que le pâtissier Gouache, au n°18, et le restaurant Tortoni, au n°22. Près de la Maison Dorée (située jusqu’en 1902 1 rue Laffitte et 20 boulevard des Italiens), Swann, sortant de Tortoni puis du Café Anglais situé juste en face, voit un soir Odette émerger de chez Forcheville, son rival. Il la raccompagne chez elle rue Lapérouse, et elle se donne à lui.

9) L’oncle Louis habite un grand appartement au 1er étage du 29 rue Bleue, dont les douze fenêtres s’ouvrent sur les rues Bleue, Lafayette et Saulnier.

10) Sa fabrique de boutons se trouve 246 rue de Bercy-Saint-Antoine [1] et son magasin, 14 bis boulevard Poissonnière.

11) Jeanne Weil (qui devient Madame Proust en 1870) naît en 1849 au 40 bis rue du faubourg-Poissonnière. C’est la demeure que ses parents, Nathée et Adèle, occupent jusqu’à leur mort : en 1896 pour Nathée et en 1890 pour Adèle, la grand-mère adorée par Marcel. L’appartement où Marcel vient souvent enfant est alors situé à gauche au fond de la cour, au second étage au-dessus de l’entresol.

12) Louis Weil habite 33 rue d’Hauteville dans les années 1840.

13) Jeanne Weil épouse le docteur Adrien Proust à la mairie du Xe arrondissement (à l’angle de la rue du faubourg Saint-Martin et de la rue du Château d’eau) le 3 septembre 1870. C’est le lendemain de la défaite de Sedan et la veille de la proclamation de la IIIe République.

[1] Ancien nom de la rue de Bercy entre les boulevards de Bercy et de la Bastille.



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