Balade littéraire dans le Paris de Proust (1)

De la villa Saïd à la rue Scheffer
Le vendredi 30 décembre 2005.

Cette balade nous promène sur les pas de personnages proustiens, réels ou de fiction, et jusqu’aux dernières demeures de l’écrivain et d’Anna de Noailles.

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Anna de Noailles

1) Anatole France habite 5 villa Saïd (la voie est aujourd’hui privée) à partir de 1893. Avec sa barbiche, son style et son nez en colimaçon, il devient Bergotte dans la Recherche. Mais Bergotte est aussi, comme tous les personnages de la Recherche, un composite de plusieurs caractères : Ernest Renan, Proust lui-même, etc.

2) Proust vit entre juin et octobre 1919 dans un appartement appartenant à l’actrice Réjane, 8 bis rue Laurent-Pichat (3e étage sur rue). C’est Jacques Porel, le fils de l’actrice, qui propose à Marcel cet arrangement avant que, du 102 boulevard Haussmann qu’il doit quitter, il n’emménage rue Hamelin.
En juin 1919 paraît À l’Ombre des jeunes filles en fleur chez Gallimard.

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8 bis rue Laurent-Pichat.

3) Boni de Castellane, un des aristocrates dont Proust fréquente les réceptions, se fait construire en 1896 un hôtel 50 avenue du Bois (rebaptisée avenue Foch en 1929), hôtel aujourd’hui disparu.

4) À l’occasion de son mariage avec Mme Verdurin qui devient ainsi princesse de Guermantes, le prince de Guermantes se fait construire un hôtel avenue du Bois (avenue Foch), se déplaçant ainsi du Faubourg Saint-Germain (rue de Varenne) vers ce quartier qui trouve son essor avec le Second Empire.
Pour nous rendre à l’étape suivante, nous pouvons emprunter la rue Paul Valéry, au n°40 de laquelle se trouve la demeure que le poète symboliste occupe entre 1900 et 1945.

5) Des amis anglais de Proust donnent en mai 1922 une fête à l’hôtel Majestic (19 avenue Kléber) en l’honneur des Ballets russes. L’hôtel est également cité dans la Recherche.

6) Dans le roman, Odette de Crécy réside rue Lapérouse avant son mariage avec Swann. Elle a été l’amante d’Adolphe, grand oncle du narrateur. Son principal modèle dans la réalité, la demi-mondaine Laure Hayman dont l’adresse est le 4 rue Lapérouse [1], a été également la maîtresse de Louis Weil, lui-même modèle d’Adolphe. Laure est très froissée, lorsque paraît La Recherche, de se reconnaître en partie dans Odette.
Cette dernière fait son chemin dans la Recherche, puisqu’elle épouse Swann et son argent, puis le comte de Forcheville et sa noblesse, et sera l’amante du duc de Guermantes. La fille que lui donne Swann, Gilberte, sera un moment adulée par le narrateur, puis épousera le marquis de Saint-Loup après avoir hérité de la noblesse de son beau-père le comte. Saint-Loup étant le neveu du baron de Charlus, lui-même Guermantes, Gilberte deviendra ainsi une Guermantes.

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44 rue Hamelin.

7) Le 1er octobre 1919, Proust emménage au 5e étage sur rue et cour du 44 rue Hamelin (plaque). L’immeuble est aujourd’hui un hôtel, et l’on peut réserver une chambre à l’étage où Proust a vécu ses derniers mois.
Le 10 décembre, il reçoit le prix Goncourt pour À l’Ombre des jeunes filles en fleurs.
L’appartement n’est pas chauffé, Proust ne supportant ni la poussière chassée par les radiateurs, ni la fumée d’une cheminée.
Il décède ici le 18 novembre 1922 d’une pneumonie, dans une température glaciale. Sa mort est celle d’un pauvre homme, alors que sa fortune lui aurait permis de se soigner mieux.
Les parties publiées de la Recherche sont Du Côté de chez Swann, À l’Ombre des jeunes filles en fleur, Le Côté de Guermantes I et II, Sodome et Gomorrhe I et II. La Prisonnière et Sodome et Gomorrhe III sont en relecture chez Gallimard. C’est Robert, le frère médecin de Marcel - dont il refusera toujours les soins -, qui reprend plus tard les manuscrits non encore publiés pour en faire (à sa manière, qui est aujourd’hui bien discutée) les trois dernières parties que l’on connaît : La Prisonnière, Albertine disparue et Le Temps retrouvé.

8) Jeanne Proust est opérée à deux reprises, en 1896, à la maison de santé des Sœurs du divin rédempteur, rue Georges Bizet (est-ce la clinique du n°24 actuel ?). Elle souffre de crises d’urémie. Mais, à la différence de son fils, elle ne se plaint pas de sa santé.
Pour se rendre à l’étape suivante, on peut éventuellement emprunter le métro entre Alma-Marceau et Trocadéro (2 stations). À la sortie du métro Trocadéro se trouve le cimetière de Passy, où reposent de nombreux écrivains et artistes (Proust, lui, est enterré au cimetière du Père Lachaise).

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40 rue Scheffer.

9) Robert de Montesquiou habite au rez-de-chaussée du 8 rue Franklin, là même où a demeuré Georges Clemenceau après lui.
Proust rencontre Montesquiou en avril 1893 et comptera sur lui pour l’introduire dans les salons du faubourg Saint-Germain. Il est cousin de la comtesse de Greffulhe, ainsi que modèle du baron de Charlus et du triste Des Esseintes dans À Rebours de Huysmans.
Le musée Clemenceau se visite l’après-midi, tous les jours sauf lundi et dimanche.

10) Anna de Noailles, fille de la princesse de Brancovan et femme du comte de Noailles, décède 40 rue Scheffer en 1933. Elle s’installe ici en 1910, un an après la construction du bel immeuble que l’on peut voir encore aujourd’hui, et y tient un salon littéraire jusqu’à sa mort. Indépendante, dreyfusarde alors que tout son entourage est antidreyfusard, elle a de quoi séduire Proust. Sa chambre est reconstituée dans le musée Carnavalet à côté de celle de Proust, dont certaines salles donnent l’illusion de se retrouver au milieu des personnages et du Paris de Proust.

[1] Un immeuble plus récent a remplacé celui de l’époque.



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