Arthur RIMBAUD à Charleville-Mézières, Paris…

Le jeudi 28 août 2003.
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À l’angle de la rue Campagne-Première et du boulevard Raspail se trouvait l’hôtel occupé par Rimbaud fin 1871-début 1872 (face à l’immeuble blanc).

Voir aussi Balade en images à Charleville-Mézières sur les pas d’Arthur RIMBAUD

Car Je est un autre. […]
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences. Ineffable torture où il a besoin de toute la foi, de toute la force surhumaine, où il devient entre tous le grand malade, le grand criminel, le grand maudit, - et le suprême Savant !

Lettre à Paul Demeny, 15 mai 1871.

Rien de banal ne germe dans cette tête, ce sera le génie du Mal ou le génie du Bien.
M. Desdouets, principal du collège de Charleville.

La poésie, pour Arthur Rimbaud, c’est marcher droit devant soi, jusqu’à, amputé d’une jambe, vouloir repartir en direction d’Aden…
Sauf que la poésie, Arthur cesse d’y croire à 21 ans. Il n’aboutit pas dans sa quête de « poète-voyant », et la délaisse jusqu’à sa mort à 37 ans.

Il naît le 20 octobre 1854 à Charleville, 12 rue Napoléon (maintenant rue Bérégovoy). Arthur est placé en nourrice à Gespunsart. Ses parents ont des relations mouvementées. À son retour de la guerre de Crimée, le capitaine Rimbaud n’aime plus sa femme comme avant. Il la quitte ainsi que ses quatre enfants lorsqu’Arthur a six ans. Mère et enfants habitent ensuite dans la misérable rue Bourbon, toujours à Charleville, puis, en 1862, 13 cours d’Orléans. Au pire de ses errances, Arthur reviendra souvent auprès de cette mère rigide et de sa sœur préférée, Isabelle [1].

À dix ans, Arthur devient interne de la meilleure pension de la ville, l’institution Rossat, 11 rue de l’Arquebuse, puis au collège municipal, place de l’Agriculture. Il y fait la connaissance d’Ernest Delahaye, qui restera son meilleur ami. Arthur est un élève extrêmement brillant et un fils modèle jusqu’à l’âge de quinze ans, mais son âme bouillonne. Il s’émancipe bientôt par l’écriture. Un premier poème paraît dans La Revue pour tous en janvier 1870. Son professeur Georges Izambard l’encourage et lui présente Paul Demeny, un jeune poète. Arthur découvre Baudelaire, Banville, les Parnassiens et Verlaine. Il écrit le 24 mai 1870 à Banville, affirmant vouloir devenir parnassien et lui demandant son appui afin d’être édité (désir très fort, qui le quittera pourtant bientôt).
Pour échapper à sa mère qu’il nomme « la daromphe », pour enfin vivre et écrire et pour rencontrer ceux qui pourraient l’aider à être publié, il fugue, parfois à pieds, jusqu’à Paris ou en Belgique.

La liste serait longue des lieux qui l’ont vu passer. Une première fugue à Paris fin août 1870 le voit atterrir à la prison de Mazas [2], parce qu’il n’a pas payé entièrement son billet de train. Izambard le sort de ce mauvais pas. Nouvelle fugue à Paris en février 1871, qu’il quitte le 10 mars, donc une semaine avant le début officiel de la Commune. Le biographe Jean-Jacques Lefrère pense probable que Rimbaud ait fugué de nouveau à Paris entre mi-avril et mi-mai 1871, donc en pleine Commune. Il aurait quitté la ville à l’approche des combats. Il n’a très certainement pas été un zélé Communard, étant à cette époque davantage intéressé de se faire connaître dans les milieux littéraires que de mourir pour la révolution. Il va tout de même jusqu’à travailler à la conception d’un projet de constitution communiste !
L’état de la capitale le décide à abandonner le collège pour être poète. Retour à Charleville, où il écrit le 13 mai une lettre à Izambard et, le 15, la fameuse lettre à Demeny dans laquelle il rejette la poésie subjective et considère le poète comme un voyant en quête de la vérité par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Ces deux lettres dites « du voyant », dans lesquelles Rimbaud écrit Je est un autre, ne seront connues du grand public qu’un demi-siècle plus tard, émerveillant les surréalistes.
Il écrit de nouveau à Demeny le 10 juin. Mais ni Demeny ni Izambard n’accordent beaucoup de crédit à ses visions. Après le traumatisme de la Commune, la France est sous occupation allemande. Rimbaud décide de « s’encrapuler » consciemment pour se faire voyant. Il compose Le Bateau ivre pendant l’été 1871, écrit à nouveau le 15 août à Banville qui ne lui répond pas, et à Paul Verlaine. Celui-ci l’invite chez lui, ou, plus exactement, chez ses beaux-parents. Madame Rimbaud s’étant laissé convaincre qu’Arthur sera écrivain, il débarque 14 rue Nicolet, où il loge environ trois semaines à partir du 10 septembre 1871. Mais sa venue à Paris ne mènera pas à une consécration littéraire que son tempérament repousse rapidement. Il est présenté le 30 septembre aux fidèles des dîners des Vilains bonshommes, vite impressionnés par Le Bateau ivre, et dont certains se cotisent ensuite pour assurer sa survie et lui permettre d’écrire. Il loge dans l’atelier de Charles Cros, 13 rue Séguier, et dans une chambre 10 rue de Buci prêtée par Théodore de Banville, dont il va bientôt railler la poésie.
En octobre-novembre 1871, il occupe en compagnie d’Ernest Cabaner, musicien bohème, une chambre de l’hôtel des Étrangers, à l’angle de la rue Racine et de la rue de l’École de Médecine. S’y déroulent des réunions du Cercle Zutique, créé par Charles Cros et rassemblant Verlaine, Valade, Blémont… Rimbaud y est employé comme garçon de salle. Les beuveries sont son quotidien, en particulier avec le dessinateur Jean-Louis Forain, André Gill, Verlaine. Si, pour ce dernier, l’alcool est une faiblesse, il participe consciemment, pour Rimbaud, du "dérèglement des sens" et de la recherche poétique.
Le voilà ensuite dans un hôtel à l’angle du boulevard Raspail et de la rue Campagne-Première (novembre 1871), puis à Arras et Charleville, devant les émois soulevés par son comportement avec Verlaine (1872). Lors du dîner du 2 mars 1872, Rimbaud, ivre, a blessé d’un coup de couteau le photographe et caricaturiste Etienne Carjat. Suite à cet incident, seuls Cabaner, Verlaine, Forain et Mercier lui restent fidèles.
En 1872, on le trouve en mai dans une chambre rue Monsieur-le-Prince à Paris, donnant sur la cour du lycée Saint-Louis, puis à l’hôtel de Cluny, 8 rue Victor Cousin, en juin, puis à Bruxelles, avec Verlaine en juillet ; 34 Howland Street à Londres, avec Verlaine en septembre 1872 - ils se mêlent alors aux réfugiés politiques français à Leicester square ; à Charleville encore en décembre. Il séjourne en avril 1873 à la ferme familiale de Roche, que sa mère habite dorénavant, près de Vouziers, au sud de Charleville, et en Belgique. Puis c’est à nouveau Londres avec Verlaine, en mai, au 8 Great College Street, Camden Town.
Il rejoint Verlaine à Bruxelles, où, le 10 juillet 1873, à l’Hôtel de Courtrai, rue des Brasseurs, une balle tirée par son ami lui traverse le poignet. Pendant que Verlaine est jugé puis emprisonné, Rimbaud retourne à Roche, où il travaille sur Une saison en enfer, le seul recueil qu’il fait publier de son vivant - 500 exemplaires parus à l’automne à Bruxelles, qui ne se vendent pas.

Novembre le trouve à Paris, et l’hiver à Charleville. Londres au printemps 1874, avec Germain Nouveau. Arthur étudie au British Museum, apprend l’anglais et recopie ses Illuminations. Puis, à partir de juillet et jusqu’à la fin de sa vie, la marche, le voyage et l’errance remplacent l’écriture, avec toujours la soif d’apprendre les langues, les arts et les sciences, pour comprendre un monde que la poésie ne lui a pas permis de saisir. Il est à Stuttgart début 1875, où il apprend l’allemand et revoit Verlaine pour la dernière fois. Puis l’Italie. Sa soeur Vitalie décède en décembre 1875 à 17 ans. Allemagne, Autriche, Belgique, Sumatra, Java. Il déserte de l’armée coloniale hollandaise. Charleville et la ferme de Roche sont toujours son havre de repos et de haine. 1878 : Italie, Chypre. 1880 : il erre à Chypre et le long du canal de Suez, cherchant un emploi. Il est embauché en août par la maison Mazeran, Viannay, Bardey et Cie à Aden. Il rejoint en novembre leur succursale de Harar. Arthur se lance en 1885 dans le commerce d’armes, qui ne le rendra pas plus riche. Pendant ce temps, Verlaine à Paris, sans que Rimbaud le sache, fait éditer les Illuminations.
Il finit sa vie boutiquier à Harar, apprenant en 1890, quelques mois avant sa mort, qu’il est célèbre en France. Mais de tout cela, Rimbaud se moque.

Pour visiter le lieu
Le Musée Arthur Rimbaud de Charleville-Mézières est situé dans le Vieux-Moulin, quai Arthur Rimbaud (08100 Charleville-Mézières), à proximité de l’appartement que la famille Rimbaud occupait au 1er étage du 7 quai du Moulinet (aujourd’hui 7 quai Arthur Rimbaud), qui se visite aussi. Tel. : 03 24 32 44 65, fax : 03 24 32 44 69. Un circuit Sur les pas d’Arthur Rimbaud peut être suivi à travers Charleville (rens. au musée).

À voir aux alentours de Charleville

Quelques écrivains des régions proches :
- Paul Claudel à Fère-en-Tardenois,
- La Fontaine à Château-Thierry,
- Jean RACINE à La Ferté-Milon et Paris,
- Dumas à Villers-Cotterêts,
- Mac Orlan à Saint-Cyr-sur-Morin,
- Roger Vailland à Reims,
- Maurice Renard à Reims,
- Gracq à Monthermé.

Petite bibliographie
Rimbaud vivant. Revue annuelle de l’Association des Amis de Rimbaud.
Promenade et poésie : expérience de la marche et du mouvement dans l’oeuvre de Rimbaud. Jacques Plessen. La Haye, Mouton, 1967.
La Route Rimbaud-Verlaine, dans un hors-série de la revue Terres ardennaises, Charleville-Mézières, décembre 1991 (tel. : 03 24 37 73 37).
Un Fonds Arthur Rimbaud se trouve à la bibliothèque municipale de Charleville (tel. : 03 24 33 33 53).
Une biographie, par Benjamin Ivry.
Rimbaud et Charleville, tout un poème. Article de Jean Belot dans Télérama n°2697 du 20/10/99.
Sur les routes avec Arthur Rimbaud. Article de Romain Roussel, in Demeures inspirées et sites romanesques, tome III, éditions de l’Illustration.

[1] Mme Rimbaud habitera également 5 bis quai de la Madeleine, actuel quai Rimbaud, et, à partir de juin 1875, 31 rue Saint-Barthélémy.

[2] Située entre 1840 et 1900 sur le terrain délimité par par le boulevard Diderot - ex-boulevard Mazas - et les rues de Lyon, Traversière, l’avenue Daumesnil et la rue Legraverend.



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